Méditerranée : priorité à la dépollution politique

Al-Kadhafi peut se permettre les bouillonnements que ne s’autoriserait pas un Ben Ali.
Ce mini-sommet de Tripoli, finalement dédié au projet UPM, a été conçu par le maître de Tripoli pour administrer sa leçon de géopolitique à ses pairs arabo-méditerranéens. Mais ce privilège, agaçant parce qu’il exprime l’injuste avantage d’avoir les folies de son porte-monnaie, est utile : l’extravagance de l’un exprime tout haut les sentiments que la sagesse des autres oblige à contenir.

Dans la démarche même de formulation du projet de Sarkozy se reflète le sens du compromis tactique qui toujours, chez lui, succède à la résolution audacieuse. L’Europe qui, à cette occasion, s’est proclamée ensemble exclusif en ce sens qu’une partie d’elle-même ne peut pas appartenir à un autre ensemble géopolitique, a obtenu la concession politique principale. Le précédent, en faisant probablement jurisprudence, vient d’instituer la légitimité institutionnelle d’un national-européanisme.

Dans une semaine, le Parlement européen votera le projet de directive “Retour” qui marquera un grand pas dans l’escalade de la répression de l’émigration, sud-méditerranéenne en particulier.
Dans sa démarche diplomatique qui n’est pas sans rappeler sa tactique “ouverture” en politique intérieure, Sarkozy ne pourra pas avoir suffisamment de strapontins à offrir à des dirigeants très susceptibles quand il s’agit de la hiérarchie de leur traitement respectif.

Plus politiquement, il faudra convaincre la Turquie que l’UPM n’est pas le cimetière de sa perspective européenne et les Arabes de ne pas devoir un jour se laisser représenter par Israël dans la coprésidence de cette… union. Une étrange union qui s’accommode de l’irrésolution de la question d’un peuple palestinien, méditerranéen, mais sans État.

Le Maghreb, hypothéqué par l’impasse sahraouie tant qu’elle durera, devra poursuivre —pour combien de temps ? — une existence virtuelle sans perturber le fonctionnement institutionnel de l’union.
Toutes ces questions, et d’autres, attendent des réponses, ou pour tout le moins des débuts de réponse dans ce mois qui précède le sommet de Paris. Sinon Al-Kadhafi aura la partie facile d’objecter que si le Lapon du Nord de l’Europe a son mot à dire en matière de Méditerranée, pourquoi le Zoulou du Sud de l’Afrique n’en aurait pas.

L’échec annoncé de l’Union pour la Méditerranée vient de ce qu’au commencement, il y a l’ambition d’un homme de “réussir là où d’autres ont échoué” : de ce fait, le projet d’UPM porte déjà en lui l’échec du processus de Barcelone, parce qu’il compte compléter après avoir, un moment, pensé à s’y substituer. Le fait est qu’il est question de contourner l’impasse méditerranéenne sans avoir à la traiter. Le projet porte aussi en lui l’échec originel de l’idée de Sarkozy, troquée un jour à Berlin contre un concept européen d’Union pour la Méditerranée formulé au sommet des 13 et 14 mars.

Déjà réduit à thèmes (dépollution de la Méditerranée, politique de l’eau, sauvegarde du littoral), certes séduisants, il est possible que ce projet perde beaucoup de ses prétentions en cours de route. Et ira s’enterrer au cimetière méditerranéen déjà surchargé des belles intentions.
C’est peut-être d’une dépollution politique que la Méditerranée a besoin.

Mustapha Hammouche

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