Presse qui roule…
Le représentant d’une ambassade étrangère installée en Algérie déclarait, il n’y a pas longtemps, qu’«à ses yeux les journalistes algériens faisaient preuve d’un peu trop de retenue dans l’exercice de leur métier». Il imagera ces propos d’ailleurs en soulignant une forme d’autocensure que s’imposeraient les professionnels de la presse.
Autrement dit, même si, chez le diplomate, il n’y avait aucune velléité réelle ou du moins aucune intention avouée de faire dans la provoc, sa déclaration aurait légitimement pu valoir matière à incident diplomatique à laquelle les autorités nationales agissant ès qualités n’ont pas daigné trop y accorder de l’importance ou du moins lui donner une dimension qu’elle ne méritait pas.
Il y a néanmoins parfois matière à réfréner les ardeurs des uns et des autres dès qu’il s’agit de risque de menace porté au pays, ses valeurs, sa sécurité ou l’honneur de son peuple comme c’est le cas de la mesure prise par le ministre de la Communication et l’Information à l’encontre de deux correspondants de presse étrangers.
Le droit d’informer étant aujourd’hui une réalité inaliénable autant pour les médias nationaux que ceux internationaux, cela n’exclut pas toutefois le devoir des journalistes de respecter les postulats que sont l’éthique et la déontologie.
Dans la logique, il n’y a sans doute pas un grand mérite à punir un écrit journalistique autrement qu’à en dénoncer l’ineptie si tel est le cas. C’est là le discours trop rapidement brandi et combien ressassé par les autorités d’un pays parfois conjugué à celui d’autres et, comble de l’ironie, souvent relayé par les médias de ces pays, lesquels poussent des cris d’orfraie dès qu’il est question d’atteinte aux droits de l’Homme.
En décidant de retirer leur accréditation à deux correspondants étrangers, le ministre de la Communication et de l’Information n’a fait qu’appliquer les dispositions d’un texte réglementaire sur lequel est bâti l’édifice médiatique et que nul n’est censé ignorer et plus particulièrement les professionnels des titres étrangers, compte tenu de l’impact médiatique que peut avoir leur information sur le reste du monde.
Il ne s’agit là à l’évidence d’aucune décision arbitraire sinon c’est la présence même des médias étrangers sur le sol algérien qui ne s’expliquerait pas. D’où l’évacuation sans autre forme de procès d’un verrouillage de l’information que se plairont ou n’hésiteront pas à susurrer sans l’ombre d’un doute les défenseurs soudains des deux confrères de Reuters et AFP.
Des familles algériennes en sont encore à pleurer des morts, victimes d’actes terroristes et ce n’est certainement pas une morbide comptabilité, laquelle, est-il besoin de le souligner, est lourdement accompagnée de faux en écritures qui entretient le doute plus à dessein qu’involontairement.
Le ministre de la Communication et de l’Information a, à notre sens, été plus que disert dans ses explications. Ce n’aurait sans doute pas été le cas sous d’autres cieux et des exemples nous sont heureusement fournis régulièrement.
Pour l’histoire d’un texto personnel publié, d’une photo en compagnie de son épouse, le chef d’Etat d’un pays réputé berceau des droits de l’Homme n’a pas hésité à recourir à la justice comme il envisage littéralement de remettre au goût du jour le délit de presse. C’est dire !
A. Lemili