Canards d’avril

Ils étaient « à peine » la quarantaine nos canards journaux quotidiens d’Algérie en cet avril 1999, dont est né le béton du premier mandat présidentiel de M. Bouteflika.

Ils sont à la forte soixantaine déjà en vente, ou en tout cas d’exposition parcimonieuse. Et quelques autres encore mijotant de couveuse de ce nouvel avril. Celui-ci, et de perspective au prochain, d’élection présidentielle. Aucun pays au monde démocratique (ou dictatorial) n’aligne à lui seul le dixième de cette armada ou florilège de titres, déclarés résolument tous « quotidiens nationaux d’information ».

Et boîtes entreprises la plupart supportées à bout de bras par la manne de pub étatique ANEP. A elle toute seule levier séculier pour faire résonner via tous les médias la voix des maîtres du moment. Entre temps de ces avril cycliques, pour punir leur résistance, des journalistes ont été emprisonnés, et des éditeurs soumis à un harcèlement judiciaire inqualifiable au motif de simple délit d’informer.

Ainsi, avec ses effets de métastases, une chape de plomb a formaté les journaux algériens de droit privé à, inexorablement, ne voir d’horizon de survie réelle que les plus lucratifs chemins fabriqués de vénalité et de propagandes ajustées à l’air du temps dominant. De voir et entendre via l’audiovisuel gouvernemental et nos canards, les ronrons de Peugeot, Toyota, Djezzy, Wataniya, et d’autres marques pompant le produit de la rente, ne sommes-nous pas assez transportés, et suffisamment loin pour rêver, et ainsi oublier la tragédie nationale ?

Et puis, quelle tragédie, quel trauma peut-on percevoir encore des affabulations des journalistes assassinés, Djaout, Mekbel et compagnie ? Au final d’étape, le journalisme algérien actuel se retrouve floué d’une centaine de professionnels trucidés pour cause de respect de leur travail face à la barbarie intégriste, et l’autoritarisme du pouvoir d’Etat. Floué aussi d’une ambiance de gangrène – autrement plus insidieuse – semant un air « d’à quoi bon ? ».

A quoi bon remuer le travail de justice ; à quoi bon interpeller les commis du pouvoir d’Etat ; ou l’hydre à têtes infinies de sa nomenklatura, le FLN s’accommodant si bien avec une autre soixantaine d’opérateurs partis injectés sur le marché. Mais la logique du « à quoi bon ? » et de l’information chewing-gum laisse passer malgré tout dans le concert d’Algérie à bombes sans cesse éclatées des informations/anecdotes lourdes de sens sur un pays coincé entre la vie et la mort.

Le nouveau boss d’Air Algérie nous apprend ainsi (Liberté, 6 avril) qu’entre des aéroports étrangers et les nôtres, « nous avons remarqué que le poids des cercueils n’était pas le même à l’embarcation et à l’arrivée ». Entendre plus lourd ; puisque le locuteur parle de sanctions contre le crime. Entre la vie et la mort, dans nos journaux d’avril, il suffit encore de lire entre les lignes.

Belkacem Mostefaoui

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