OULED LA LÉGION !
Prochain mouvement des walis. Celui de Ghardaïa va à Oran. Et celui d’Oran va à …
…Chlef !
Mourad est dans une rage folle. Je lui propose une nouvelle tasse de café. Il me rétorque que s’il avale encore une goutte de ce breuvage, il va littéralement exploser, que Tchernobyl, à côté, ça fera pet de vache. Mourad triture jusqu’à la déchirer cette une d’ El Watan: «Tu te rends compte Hakim !
Tout ça pour ça. Chasser la France de notre sol, donner la raclée à l’une des armées les plus puissantes au monde pour voir aujourd’hui nos enfants n’avoir plus d’autre recours pour fuir le pays que de s’engager dans les rangs de la légion étrangère ?» Je hoche la tête, je confirme que je me rends bien compte de l’énormité de la chose, et discrètement, j’éloigne l’article en question de la vue de Mourad. Si je laisse mon ami face à cette une, il va me faire un infarctus.
Mais même sans la une sous le nez, Mourad fulmine encore et en remet une couche : «La légion étrangère, Hakim ! Leur baraquement à Bel Abbès, leurs défilés une hache sur l’épaule. Leurs chants paillards. Et leurs exactions. Quand on a mon âge, on ne peut pas oublier ce que signifie la légion étrangère.» Les bras ballants, je regarde Mourad, impuissant à apaiser sa rage.
Comment lui expliquer qu’en 2008, on ne peut plus rejeter la faute sur la légion étrangère, que ce n’est pas la faute de ce corps d’armée s’il est choisi par nos jeunes comme moyen de fuite du pays ? Comment lui expliquer qu’on ne peut pas non plus en vouloir aux jeunes qui s’engagent dans la légion, car au train de désespoir où va le pays, c’est soit le radeau, soit la légion étrangère ?
Je voudrais lui dire tout ça, mais je n’y arrive pas. Alors, je me dis «faisons diversion et amenons Mourad sur un sujet plus léger». Je lui parle football. Mauvais plan ! Mauvaise pioche ! Mourad a de la famille à Oran. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam
