Justice et politique

L’avocate de la désormais célèbre chrétienne de Tiaret a trouvé “inconcevable” le report du verdict, le tribunal paraissant par là vouloir “gagner du temps”.

Sans être trop versé dans les subtilités des procédures, on peut trouver étonnant que c’est un peu tard de demander un complément d’informations sur une affaire après qu’elle fut débattue, que le procureur eut prononcé son réquisitoire et que la défense eut plaidé. C’est peut-être cela qui explique la conviction de Maître Khalfoun que l’ajournement du verdict ne soit pas justifié.

Si le procès de Habiba n’était pas un procès politique, il a donc commencé à le devenir depuis hier. Pas seulement parce qu’il tient compte de l’état de l’opinion et semble essayer de composer avec elle en reprogrammant sa décision, mais parce que la décision ne semble plus se suffire du dossier et du débat.
Cette péripétie n’est pas sans rappeler d’autres types de procès : ceux concernant les délits de presse.

Ceux qui ont eu à les subir ont retenu qu’ils se caractérisent souvent par un cafouillage dans leur programmation et parfois par de multiples reports que n’expliquent pas toujours les impératifs de procédures.

Cette forme de procès politique a été, à certaines périodes, foisonnante. Comme l’approche de telles affaires engage autant des points de droit que des questions de principe sur l’exercice de libertés, les hésitations judiciaires trahissent le malaise d’une justice soit dans l’embarras, soit sous pression.
Qu’importe ce qui à l’origine a motivé le procès : le devoir de faire respecter la loi, le zèle dans la répression de ce qui paraît subversif, ou la saisine abusive par une autorité.

Si l’opinion s’en mêle dans des proportions plus ou moins étendues, le tribunal est tenté de les prendre en considération ; il est tenu de considérer les conséquences de sa décision comme une décision qui traduit une position d’État par rapport à des valeurs, comme la liberté de culte, ici, ou la liberté d’expression, là-bas.

Si, en plus, de probables interférences de pouvoir viennent brouiller un procès qui ne peut contourner son enjeu politique, la marche de ce procès ne peut que s’en ressentir. Malgré la sensibilité de ce genre d’affaires où se mêlent convictions et hostilités, grandes causes et petits fanatismes, l’État ne semble pas avoir arrêté une doctrine en matière de traitement judiciaire des affaires liées aux libertés publiques.

Les lois existent, certes, mais en un corpus contradictoire où se confondent l’affirmation des libertés et la défense du dogme. L’intention évidente de s’aider de la justice pour s’assurer l’encadrement politique de la société ne laisse pas beaucoup d’espace à l’autorité de la loi.

Ce sont les juristes qui nous enseignent que la forme compte autant que le fond et qu’un bon jugement de fond dépend du respect des formes. Or, chez nous, le malaise s’observe même dans la manière par laquelle la loi est dite. Dans ses hésitations, dans ses raccourcis…

Il n’y a probablement qu’une seule façon d’éviter les procès politiques : éviter de politiser les procès.

Mustapha Hammouche

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