Stratégie du chaos

Des émeutes ayant pour origine la désagrégation du pouvoir d’achat ne sont plus le monopole des pays pauvres. Qui l’eut cru? Cela se passe en Grèce, en Espagne, en Angleterre, en France et un peu partout en Europe où la grogne et la rage des pêcheurs, des chauffeurs routiers, des ambulanciers s’expriment par des grèves et des manifestations face à la cherté de la vie, mettant nombre de pouvoirs européens sur la défensive.

On manifeste également à Haïti, en Egypte, en Indonésie, en Afrique du Sud pour des raisons identiques: le désespoir devant la vie chère. Le monde s’est certes habitué à ces cycliques «émeutes de la faim» telles que les qualifient les médias d’outre-mer, induites par la flambée des prix des produits alimentaires. Or, les «troubles sociaux» semblent ne plus demeurer l’apanage des pays pauvres ou en développement et gagnent de plus en plus de contrées estimées alors immunisées contre de telles fatalités. Cela n’arrive donc pas qu’aux autres, comme le montrent les grèves et manifestations qui secouent l’Europe depuis une semaine.

Les gouvernements européens pensent avoir beau jeu de se défausser sur la hausse des prix du pétrole. Mais l’augmentation des prix énergétiques explique-t-elle, à elle seule, cette brusque élévation des prix des produits alimentaires les plus couramment usités dans le monde? Certes pas, et nous n’avons pas besoin d’être un expert pour l’affirmer, d’autant plus que les prix du pétrole sont appelés à augmenter davantage selon les plus sérieux analystes du marché pétrolier alors que l’or noir coule à flots.

Ce qui est toutefois à relever c’est que les analystes européens mettent plus en exergue les aggravations des prix énergétiques que ceux de l’agroalimentaire dont l’UE et les USA, notamment, sont les principaux producteurs. Or, outre ce fait - les prix du baril de pétrole et du boisseau de blé ont connu un singulier cheminement entre 1990 et 2008 atteignant des pics à tour de rôle - la spéculation abusive ajoutée à l’érosion continue du dollar - certains parlent de dévaluation - ont en fait boosté le dérèglement général qui affecte la planète.

On appelle cela la loi du marché! En réalité, il y a là comme une sorte de stratégie du chaos, délibérée, qui agit comme tamis pour éliminer les faibles ne laissant vivre, voire survivre, que ceux ayant la capacité d’affronter les lois du nouvel ordre mondial avec la force de travail dont le nouveau marché aura besoin. La situation est telle, que c’en est presque puéril de se demander comment l’Algérie fera face à cette nouvelle donne - qui n’interpelle pas que notre pays - lorsque n’existe pas un cadre de concertation maghrébin et, plus largement, arabe, fiable et seul capable d’apporter les réponses arabes aux nouveaux défis mondiaux.

La nouvelle bataille qui risque d’être celle du XXIe siècle se prépare: ce sera la bataille alimentaire. L’Union européenne et les grandes nations développées s’y apprêtent. Que font les responsables régionaux au niveau du Maghreb et du Monde arabe? Quelle stratégie, quel plan de sauvegarde ont été mis en branle dans notre région lorsque l’on sait que notre pays, par exemple, importe plus de 80% de ce qu’il consomme? Oui, il y a urgence en la demeure!

N. KRIM

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