DEMAIN, CE SERA QUOI ?
Le Soir d’Algérie a bien fait de publier un dossier sur l’inquisition. Le lecteur s’aperçoit que les interdits multiples promis par la force des milices début 1990/91 puis par celle de la terreur sont en train de se réaliser en douceur, par touches successives, de façon indolore si j’ose dire, après le choc frontal de l’interdiction de l’importation d’alcool par un amendement de l’APN.
Cette interdiction, reportée pour cause de négociations d’entrée dans l’OMC, se réalise par la fermeture des bars sous la pression d’une opinion publique «choquée» par la présence d’un tel commerce. Il y a quelques mois, dans le quartier de Hussein-Dey, à Alger, un groupe surexcités de voisins ont voulu mettre le feu à un bar. Les clients ont dû se barricader pour ne pas subir les agressions programmées par des citoyens connus pour leurs engagements intégristes.
La police est intervenue pour faire cesser la menace mais personne ne s’était demandé pourquoi des citoyens, au nom de leurs convictions, arrivaient à annuler, de fait, des décisions de l’Etat d’autoriser telle ou telle activité. Et, surtout, personne ne se demandait pourquoi l’Etat cédait de son autorité et de ses prérogatives.
La morale ne peut pas remplacer le droit ou alors ce serait la voie ouverte à toutes les dérives. Le droit réglemente justement les rapports entre des citoyens qui n’ont pas forcément les mêmes opinions ni les mêmes règles de conduite, qu’on les appelle morale ou non.
Cette remise en cause de l’Etat et du droit s’est infiltrée dans les rouages de l’Etat lui-même, et des fonctionnaires réalisent les buts de groupes de pression en usant des postes et des fonctions que l’Etat leur a octroyés. L’Etat miné de l’intérieur ? Certainement à propos de cette question d’alcool. Il autorise d’un côté la production de bière ou de vin mais interdit sa consommation.
La contradiction est flagrante. La marche insidieuse d’une fraction de la population dans le contrôle de l’Etat est rampante mais apparemment implacable. Il est bien sûr encore temps de poser le problème et de mettre le hola à cette tendance des fonctionnaires d’agir selon leurs croyances personnelles et non selon la loi. Car, aujourd’hui, c’est l’alcool et demain, ce sera quoi ?
MOHAMED BOUHAMIDI