Berriane, une urgence politique

Si l’on se fie aux récits des reporters sur place, avant-hier, Berriane était coupée par une ligne de front. D’un côté, les arabophones, de l’autre les berbérophones, ou d’un côté, les malékites et, de l’autre, les ibadites. C’est selon les analystes.

La presse du Moyen-Orient, friande de nos malheurs qui atténuent la brutalité de leurs débats, parle d’affrontements entre les “Berbères”, que seraient les Mozabites, et les “Arabes”, que seraient les autres habitants de Berriane, montrant ainsi l’ignorance de notre réalité historique et ethnologique dont souffrent nos “frères” du Machrek et la représentation sommaire qu’ils s’en font.

Dans la nuit de samedi à dimanche, des batailles avaient eu lieu dans les deux parties de la ville que partagent une rue et un cordon sécuritaire des services d’ordre. Au milieu, l’État, représenté par le wali, le procureur, le chef du secteur militaire, le commandant du groupement de gendarmerie, le directeur de la sûreté de wilaya.

Les familles enclavées dans le quartier adverse profitent des heures de pause pour décamper et émigrer vers le secteur de leur communauté. Pendant que se déroulait une petite guerre civile locale, Berriane-Est et Berriane-Ouest sont nés sous l’œil inquiet et impuissant des institutions qui regardent les va-et-vient des camions de déménagement. Entre-temps, des maisons et des commerces avaient été saccagés et brûlés. Et, surtout, il y a eu mort d’homme.

Entre hésitations et optimisme populistes, les autorités se sont laissé surprendre par un regain de violence qui aurait pu être anticipé si elles avaient saisi la nature des affrontements qui secouent ce faubourg du M’zab.

“Nous ne pouvons pas mettre un policier devant chaque maison”, avait déclaré un officier de police, semblant justifier le retard mis par les autorités à prendre la mesure des évènements. La légèreté de la réflexion est à la mesure de l’insouciance officielle face à ce dangereux précédent : c’est la première fois que des Algériens sont contraints d’abandonner leur foyer parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité parmi d’autres Algériens et que leur différend participe de leur différence culturelle.

Mais il est traité comme un simple fait d’ordre public : on “pacifie” par la présence de la force publique et on repart sans être sûr que le feu ne reprendra pas. Il ne s’agit pas d’antagonisme idéologique, de simple conflit d’intérêts ou de rivalité de quartiers. Ce serait risqué de minimiser la gravité de ce cas inédit dans notre pays d’un face-à-face ethno-confessionnel.

En déclarant que l’enquête se poursuit pour déterminer “ceux qui sont derrière ces évènements”, le ministre de l’Intérieur a confirmé l’approche “routinière” que le gouvernement applique à ce drame. On est loin de la situation d’exploitation du mécontentement de certaines catégories sociales à des fins insurrectionnelles, où il suffirait peut-être de maîtriser le jongleur pour faire cesser l’émeute.
Le pouvoir, si friand de “solution politique”, quand il s’agissait d’amadouer les islamistes, a, ici, l’occasion de faire preuve d’imagination politique pour éviter que les “incidents” de Berriane ne connaissent une évolution aux conséquences imprévisibles.

Mustapha Hammouche

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