ARGENT SALE ? PAS POUR TOUT LE MONDE !
Crise du football. Le ministre des Sports déclare : «Il faut redonner aux Algériens le plaisir de regarder un match.»
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Ils sont trois. Tous portent des kamis. Deux de couleur brune. Le troisième kamis a dû être blanc un jour. Ils discutent avec force gestes devant une agence immobilière. Avant d’être rejoints par un quatrième, en tenue «civile», costume de coupe clinquante, avec l’étiquette du «couturier » sur l’extérieur de la manche visible comme un ours brun perdu sur la banquise.
Tapes sur le dos. Rires gras. Sourires entendus. Le quatuor s’approche de la terrasse du café où je suis à siroter mon thé depuis quelques minutes déjà. Ils s’attablent à portée d’oreille. Les miennes sont ébahies : «A 15, c’est une affaire ! Mabrouk alikoum !»
C’est le costumé qui s’adresse au groupe de kamissés. Celui qui semble le plus âgé répond : «15 milliards, c’est aussi de l’argent akhina ! Mais alhamdoulillah, c’est conclu !» Visiblement, ces quatre-là sont heureux d’avoir conclu. A 15 milliards.
Allez savoir pourquoi leur bonheur à peine affiché, murmuré autour d’une table miteuse d’un café encore plus miteux évoque pour moi des cris, des suppliques, des cliquetis de chaînes et des gargouillis sans fin. Allez savoir pourquoi, d’entre ces trois barbus-là, j’observe les chaussures de l’un d’eux plus intensément. Des godasses massives et lourdes.
De celles indispensables pour les longues marches. En montagne. Sur les chemins escarpés. Pourquoi cette transaction immobilière «juteuse» réveille-t-elle les cris des suppliciés, des kidnappés, des proies à rançon ? Peut-être que ces trois-là et l’agent immobilier qui les accompagne ne sont-ils que des «hommes d’affaires» faisant leur business, traficotant dans l’immobilier et accessoirement accoutrés d’attributs vestimentaires islamistes.
Peut-être pas. Car, plus ils passent leurs mains dans leur barbe longue et touffue, plus ils se caressent la panse et s’épongent leurs cous grassouillets avec des mouchoirs immenses et imprimés de motifs ridicules, plus la souffrance des «enlevés» s’entête à s’afficher devant mes yeux.
Défilent aussi devant mes mirettes ces VCD, ces documents vidéos sur lesquels les terroristes du GSPC ont filmé leurs hauts faits d’armes, notamment les attaques contre les transports de fonds, l’assassinat des convoyeurs et la prise de butin. Non ! Décidément, mon entêtement est le plus fort.
Ces gus-là ne sont pas de simples «baggaras». Même lorsque le plus gros d’entre eux, celui aux godasses de randonneur professionnel, touille son café, faisant tinter sa tasse ébréchée, c’est le bruit de la scie que j’entends. Allez savoir pourquoi ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam