Enlèvements : les chiffres des statistiques et le calvaire des victimes
Comme à l’accoutumée, les chiffres sont précis quand il s’agit de bilan sécuritaire. Même si chaque émetteur a ses chiffres précis. Le ministre de l’Intérieur vient de rendre publiques les statistiques des enlèvements pour l’année 2007. Pas si précises que cela, puisqu’il amalgame les différents types de kidnapping. Le meilleur moyen de noyer un problème est de l’enfariner dans des questions qui paraissent être de même nature. Le tout est que cela fait un enlèvement par jour.
Même un enlèvement par an serait un enlèvement de trop, surtout qu’on ne nous dit pas si, en la matière, il y aurait une norme. Le tableau est d’autant plus flou qu’il est, de prime abord, difficile de rapprocher un rapt relevant de la délinquance sexuelle ou de la criminalité de droit commun, en général, d’une prise d’otage terroriste avec demande de rançon et relevant du… non-droit, comme le stipule la Charte pour la réconciliation nationale.
On ignore comment Zerhouni s’y est pris pour consolider le butin des terroristes pour 2007, mais il est fort probable que le montant réel soit bien plus prodigieux que les quelques dizaines de milliards évoquées. Car cela fait quelques années que l’industrie du kidnapping constitue une activité de prédilection des terroristes islamistes.
Le ministre a certainement omis d’y incorporer les rançons sans prise d’otages régulièrement prélevées, dans de larges zones, sur les activités isolées et dont s’acquittent de nombreux agriculteurs, industriels et commerçants avec une régularité que leur envieraient tous les receveurs des impôts.
Ces “contribuables” forcés, dont la famille ou l’activité, ou les deux, sont installées dans des zones extra-urbaines perméables aux incursions terroristes sont des otages à demeure.
On peut ignorer leur situation pour cause de discours sur “la paix revenue”, surtout que ceux qui endurent le chantage en parlent rarement. Certains se trouvent contraints de délocaliser leur activité ou leur domicile.
Les chiffres pourraient aussi être bien en deçà des montants officiels parce que rien n’oblige les victimes à donner la vraie somme remise à leurs maîtres chanteurs. De plus, les cibles des enlèvements avec demande de rançon sont souvent des membres de familles de notables locaux ; on doit peut-être souvent éviter de leur faire courir quelque risque physique. Ce qui expliquerait alors en partie le succès régulier de ces opérations.
Les chiffres pourraient enfin être en deçà de la réalité quand on observe la rapide et florissante reconversion de certains “repentis” qui passent sans transition du statut d’“émir” élargi à celui d’homme d’affaires prospères. Localement, les anciens terroristes exposent ostensiblement le train de vie auquel leur passé criminel les autorise.
L’impunité de leurs crimes de sang étant acquise, ce serait chipoter que d’évoquer le scandale de leurs fortunes. Il s’agit juste de relever les implications, involontairement induites ou volontairement recherchées, de cette activité politico-médiatique qui consiste à étaler les chiffres “précis” se rapportant à la situation sécuritaire.
Par impuissance ou par volonté politique, l’État tolère le chantage moral et économique que l’islamisme inflige, avec et sans armes, à la société. Les chiffres, même précis, ne peuvent pas cacher cette réalité.
Mustapha Hammouche