Visa, glaive et colère
L’émoi a gagné toute la corporation des robes noires à la suite de la découverte d’un diabolique stratagème dont les suites vont sans doute éclabousser, et le monde de la défense et les autres robes noires de la magistrature, et donc le pays, car des étrangers se sont trouvés mêlés à cette malheureuse mésaventure née du gain facile, la cupidité et l’aventure…
Mohammed R. est un -par ailleurs- serviable secrétaire au bâtonnat de Blida. Il a la confiance de tous dans la ville des Roses. Devant le magistrat-instructeur, mardi, il a dû cracher le morceau pour au moins faire preuve de remords et donc bénéficier de la «générosité» de ceux qui seront chargés de le juger. Evidemment, nous n’en sommes qu’à l’instruction des faits.
Or, selon certaines indiscrétions récoltées dans les couloirs de la justice et émanant aussi des proches des intéressés, le stratagème mis en place était le suivant:
En vue d’établir rapidement des visas en partance vers l’étranger, chaque bâtonnat a une, ce qu’on appelle communément «valise», contenant les documents à présenter aux consulats. Ces mêmes documents sont rédigés avec célérité. Evidemment, des liens de sympathie s’établissent avec Mohamed R. et les fonctionnaires du correspondant local. Et là, le tour est joué. Dans la foulée, une femme introduit un faux acte de mariage et bénéficie d’un visa pour ce qu’elle croit être l’eldorado. Comment se sont passées ces opérations? C’est ce qu’essaiera de démontrer l’instruction qui s’est déroulée, hier mercredi, car la veille, Mohammed R., le présumé coupable, avait vu le renvoi de son audition par le magistrat instructeur, lequel avait entendu six jours plus tôt le secrétaire du bâtonnat d’Alger qui a été sitôt remercié pour son témoignage car la «valise» atterrit fatalement au siège du bâtonnat de la capitale, siège des chancelleries étrangères.
Il n’est pas inutile que de rappeler que le faux et l’usage de faux est un délit «gâté» par le Code pénal qui lui consacre pas moins de 16 articles, et ceux qui regardent de très près le faussaire poursuivi vont du 222 au 229, en l’occurrence, le faux commis dans certains documents administratifs et certificats, prévoit une peine de prison de trois mois à trois ans ferme et d’une amende pour celui qui fait de fausses déclarations, soit en prenant un faux nom ou une fausse qualité, soit en fournissant une fausse qualité, certificats, attestations.
Dans le cas qui nous intéresse, voilà des avocats qui ont vu leurs documents servir à délivrer un visa «Schengen».
Le préjudice moral est catastrophique surtout si nous pouvions imaginer que madame, la vraie épouse de l’avocat, avait rencontré la fausse «madame l’avocat» à l’étranger. Que de drames. Mais nous n’en sommes pas là, heureusement. Pour le moment, l’instruction étant une audience à huis clos, cet espace s’excuse de ne pouvoir aller plus loin.
Attendons donc l’action de la justice, car Blida est bien cotée, tout comme Boufarik sur le plan de la qualité des juges d’instruction.
Un dossier passionnant qui tient en haleine, non pas l’opinion publique mais son élite, en l’occurrence les défenseurs des droits de l’homme et ici, le bâtonnat s’en lave les mains, considérant les avocats victimes, majeurs et vaccinés.
Abdellatif TOUALBIA