Boycott du «mur»
Le président du Parlement européen, Hans Gert Pöttering, est venu se coincer dans un doigt maghrébin entre l’ongle algérien et la chair marocaine comme seules les impuretés savent le faire. «Au XXIe siècle, une frontière fermée est à la fois une aberration historique et une injure à la dignité des peuples», disait-il à la MAP marocaine, à l’occasion de sa visite officielle au Maroc. M. Pöttering parlait donc le dialecte des Marocains, plus déterminés que jamais à interrompre le divorce avec le voisin pétrolier.
Il est vrai que dans son irrésistible envol, le baril atteint le prix de 120 dollars, comme il est vrai qu’il est cruellement talonné par les produits alimentaires de grande consommation dont les prix flambent sur le marché. L’hôte du Maroc nous montre donc les immenses bénéfices qu’il y a à tirer de l’accouplement à notre époque mais aussi de l’énorme gâchis qui résulterait des renoncements. «Au XXIe siècle, une frontière fermée est à la fois une aberration historique et une injure à la dignité des peuples», disait-il à la MAP marocaine à l’occasion de sa visite officielle au Maroc.
Des paroles très nobles, touchantes ! Mais M. Pöttering oublie-t-il que l’une des causes ayant déterminé la fermeture de la frontière algéro-marocaine a trait justement à la question de la dignité ? Oublie-t-il que le Maroc et l’Algérie sont les membres d’une même famille, qu’ils se chamaillent mais s’aiment bien ? Le président du Parlement européen entend-il démentir le proverbe affirmant : «Qui aime bien châtie bien» ?
Croit-il aimer les Marocains autant que nous Algériens ou pense-t-il que nous rejetons cyniquement la prospérité dans nos régions frontalières communes ? Dans sa déclaration rapportée par la MAP, M. Pöttering ne tourna pas longtemps autour du pot et finit par imputer la situation au conflit du Sahara occidental qu’il évita soigneusement de désigner nommément.
«Il est des querelles ou des conflits passés qui ont pu justifier la fermeture momentanée de cette frontière, mais il doit aujourd’hui y avoir prescription (…) eu égard aux formidables potentialités de développement des économies et des infrastructures des régions concernées et qui sont malheureusement entravées en raison d’un tel litige», affirmait-il à cet égard.
M. Hans Gert Pöttering surprend aujourd’hui sur une question qui existait déjà depuis belle lurette au moment de sa visite chez nous vers la fin de 2007 et sur laquelle il n’avait dit mot à l’époque. Avec la presse marocaine, l’homme se prononce aujourd’hui sur la question de la frontière et sur le «litige» qui en serait l’origine.
Il ne pipe mot cependant sur le mur marocain, long de 2 600 km et qui sépare en deux, du nord au sud, le territoire du Sahara occidental. Surnommé le «mur de la honte», l’ouvrage militaire réalisé avec le concours d’Israël et des Etats-Unis sépare non seulement le territoire mais les malheureuses familles sahraouies.
N’est-ce pas là une situation autrement plus dramatique que celle prévalant à la frontière algéro-marocaine ? Une ligne qui, en réalité, est loin d’être aussi hermétique que ne le pense M. Pöttering.
On agit pour la réouverture d’une frontière notoirement connue pour être un déversoir de stupéfiants et de bien d’autres produits prohibés, mais on se tait sur un mur que plus de 2 000 ressortissants européens sont venus dénoncer en bravant sur place la soldatesque marocaine. M. Pötteriing ne peut prétendre méconnaître l’histoire de la «Chaîne humaine» face à la «cicatrice», lui qui n’arrêtait pas de menacer de boycotter les jeux Olympiques après les soupcons sur un holocauste culturel.
Mohamed Zaâf