Champ frileux !

L’Algérie, pays où le socialisme était déclaré officiellement «irréversible», a amorcé son virage à droite dès 1989, sous Chadli Bendjedid, et plongeait dans le pluralisme bien avant la chute du mur de Berlin. Nous sommes donc devenus d’assez bons pluralistes. Sauf dans le champ médiatique audiovisuel ! L’ENTV, il est vrai, ne supporte aucune rivale. Elle a rejeté jusqu’ici toutes les idées polygames et compte apparemment continuer à être, pour un moment encore, «l’unique» à trôner dans le harem. Accepter de se laisser cloner n’est-ce pas déjà une concession suffisante ?

Le monopole de l’Etat sur le champ audiovisuel est régulièrement attaqué par le monde politico-financier et il est notoire que pas mal de gens souhaiteraient avoir leur(s) propre(s) chaîne(s) de télévision. Comme il est notoire que «l’orpheline» compte des supporters prêts à la défendre bec et ongles. Mais peut-on empêcher nos téléspectateurs de déserter l’ENTV et de s’inviter en nombre toujours plus grand chez les chaînes étrangères où ils savourent un produit moins «lassant» ? L’Algérie, qui ne vit pas en autarcie, ne peut continuer longtemps à tenir clos son champ audiovisuel et devra un jour ou l’autre se décider à franchir le pas et à faire comme tout le monde.

Quitte à y aller prudemment, comme le préconisent certains, dont le chef du RND. M. Ahmed Ouyahia saisissait, en effet, la commémoration de la Journée mondiale de la presse pour souligner la nécessité qu’il y avait à s’adapter aux mutations dans le domaine de l’audiovisuel. L’homme penchait pour une introduction progressive de la diversité, ce qui se traduirait dans un premier temps par une mixité «public-privé». Hier, M. Moussa Touati, le président du FNA (Front national algérien, actuellement la troisième force politique du pays), affichait ses appréhensions sur la question. Il n’écartait pas les «possibles dérives qui pourraient résulter de l’ouverture pure et simple de ce champ médiatique».

Des dérives qui, pense-t-il, pourraient avoir des «répercussions fatales» sur l’unité de la nation. Aussi appelle-t-il à concevoir une batterie de lois que l’Assemblée populaire nationale se doit de «préparer dès à présent». A-t-on tort de démontrer une telle exigence en matière de prudence ? Il est certain que les Algériens qui réclament un champ audiovisuel diversifié ne le font pas en pensant faire du tort à leur pays mais, quand on se rappelle le court et énigmatique épisode de Khalifa TV, on ne peut que partager la revendication de cette prudence.

Et la prudence ne pourrait se complaire d’une ouverture qui se fasse avant douze mois. Si l’on souhaite une diversifié enrichissante culturellement on ne peut approuver des réalisations qui viendraient en rajouter à des problèmes qui nous occupent et nous préoccupent déjà amplement. Cependant, «le choix de la société algérienne en faveur de l’élargissement de l’espace des libertés est irréversible», rappelait, vendredi à Genève, M. Idriss Jazaïri, notre représentant permanent aux Nations unies.

Mohamed Zaâf

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