Réalisme et «réalismes»

Adoptée à l’unanimité, la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara occidental satisfait unanimement les belligérants, les parieurs et les bookmakers. La dernière résolution a abouti à des effets peu ordinaires. Elle nous dévoile que le mot «réalisme» était aussi malléable que de la pâte à modeler et qu’on pouvait donc en faire artistiquement ce que l’on voulait.

Ainsi, le Conseil de sécurité déclara faire «sienne la recommandation formulée dans le rapport, selon laquelle il est indispensable que les parties fassent preuve de réalisme et d’un esprit de compromis afin de maintenir l’élan imprimé au processus de négociation». Le Conseil préféra donc le «réalisme» auquel a appelé le SG de l’ONU Ban Ki-moon plutôt que celui de son envoyé personnel Peter Van Walsum, qui, lui, prétendit que «l’indépendance du Sahara occidental n’était pas un objectif réaliste».

Le Front Polisario apporta un franc concours au Conseil de sécurité en invitant le Maroc à faire preuve de «réalisme» et de «sens du compromis» en prenant en considération «la réalité nationale incontournable portée par un peuple sûr de son bon droit» au Sahara occidental. Les Marocains ? Le réalisme, la recherche du compromis, les sentiments de fraternité et la construction commune du palais maghrébin sont tellement forts chez eux qu’ils ont fini par oublier qu’Abdelaziz Belkhadem et la délégation qui l’accompagnait à la commémoration de la Conférence de Tanger étaient «ligotés» par leur statut d’invité.

Les Algériens ? Ils ne revendiquent rien ni sur le rocher Persil ni sur le Sahara occidental, hormis un respect sans faille de la légalité internationale. Mais si les Algériens qui sont mitoyens des Marocains et des Sahraouis ne revendiquent rien et s’en tiennent à la légalité internationale, d’autres puissances qui se trouvent être des membres permanents du Conseil de sécurité ne peuvent plus cacher leur intérêt grandissant pour la région et n’hésitent plus à afficher publiquement leur parti pris pour le Maroc dans son occupation de la dernière colonie d’Afrique.

Les Etats-Unis, qui ont leur idée du réalisme territorial depuis l’époque de Geronimo, considèrent qu’«une certaine forme d’autonomie sous souveraineté marocaine est l’unique voie réaliste pour résoudre ce conflit». Pourtant, c’était bien James Baker, l’ancien secrétaire d’Etat américain, qui fut le premier à prédire qu’aucun Etat ne reconnaîtra la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Ce même James Baker qui a été acculé à la démission du dossier du Sahara occidental grâce «à la ténacité de la diplomatie marocaine», pérorait-on à l’époque chez nos voisins.

Les Français, qui préparent juillet, n’en pensent pas moins que les Américains même s’ils ne le crient pas sur les toits pour ne pas compromettre les chances du prochain sommet euro-méditerranéen. En attendant, le Conseil de sécurité a cette fois reconduit le mandat de la MINURSO non pas de six mois comme à l’accoutumée mais de douze mois. Un statu quo d’un an annoncé à la veille d’un autre réalisme : l’anniversaire du déclenchement de la lutte armée sahraouie sous la bannière du Front Polisario le 20 mai 1973, commémoré cette année à Tifariti.

Mohamed Zaâf

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