LA SOCIÉTÉ EXISTE-T-ELLE POUR LE POUVOIR ?
Pour toute enquête sérieuse, la présence des forces anti-émeutes dans la ville de Chlef la veille des émeutes posera problème. Le wali s’attendait donc, à des manifestations musclées. Pourquoi a-t-il choisi l’affrontement au lieu du dialogue et pourquoi poursuit-il en justice toutes les voix qui s’élèvent pour désigner les problèmes et montrer du doigt ce qui ne marche pas ? Dieu seul et le wali le savent ! Mais l’enjeu des terrains sur lesquels s’élèvent les préfabriqués de Chlef est connu.
L’autre enjeu moins important reste celui du million de dinars retenu comme aide aux sinistrés du séisme de Chlef. Dans tous les cas, il est apparu plus important pour les autorités locales (et centrales, puisque le déplacement des forces anti-émeutes a dû être signalé en haut lieu) de «mater» les mécontents que d’engager le dialogue. Le wali pouvait envoyer des émissaires et des signaux pour rencontrer l’association qui regroupe les sinistrés, lui proposer une porte de sortie, retirer sa plainte et sensibiliser les magistrats à ce retrait.
Il a préféré installer un cordon sécuritaire autour de la wilaya et engager une bataille dont il sortirait vainqueur et les mains libres pour en finir avec «la populace» qui gênait ses projets et les projets des groupes locaux de pression. Comme tous les responsables de notre pays, il a confondu la patience et la sagesse des populations avec de la veulerie, de la bassesse et une sorte de prédisposition à la lâcheté et à la peur du bâton.
Les jeunes le lui ont bien rendu, lui prouvant qu’ils étaient capables de se battre et de se révolter. Qui sortira vainqueur de ce bras de fer ? La question mérite d’être posée car ces émeutes diffèrent profondément des autres. Elles suivent une longue série de luttes patientes, responsables, organisées par une association. Et cette association demeurera après les émeutes symbole de la surdité du pouvoir à l’endroit de la société qui vient de lui prouver qu’elle existe.
Mohamed Bouhamidi