La dépêche et le message
L’agence de presse officielle l’avait annoncé dès le mardi 23 février. Ce jour-là, à l’issue de son voyage au Koweït et au Qatar, le Président débutait une visite aux Émirats arabes unis. Puis Horizons le confirmait le lendemain. Puis plus rien : du 24 au 27, aucune nouvelle du chef de l’État !
Non pas que nous exigeons de connaître son planning ou sa feuille de route, que nenni ! On nous a déjà fait la leçon, en été 2006 : après cinquante jours d’absence présidentielle, Belkhadem nous rappelait que le chef de l’État n’avait pas besoin de se faire signer un titre de congé pour se reposer.
Mais voilà, ce sont les organes officiels, la communication institutionnelle et “les sources proches de la Présidence”, qui, en général, relancent notre intérêt pour les activités présidentielles. Après un départ protocolaire et médiatisé, après un suivi au plus près de ce voyage où même les messages adressés à ses homologues tunisien, libyen et égyptien sont diffusés, après une couverture régulière de ses entretiens et déclarations, tout au long du séjour dans les deux émirats, on s’attendait naturellement à ce que le retour présidentiel se fasse dans la même norme communicationnelle. Et peut-être à un bilan médiatisé d’une visite qu’on nous disait fructueuse en termes d’imminents investissements frères. Ces investissements sont d’ailleurs imminents depuis près de huit ans.
Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, tout est imminent et fuyant à la fois depuis 1999.
À la fin de la visite au Koweït et au Qatar, et l’annonce faite le 22 avril d’une visite aux Émirats arabes unis, il n’y eut plus de nouvelles de l’activité présidentielle. Jusqu’à la dépêche d’hier rapportant un entretien en tête-à-tête qui a eu lieu, le jour même, entre le président Bouteflika et Cheikh Khalifa Ibn Zayed Al-Nahyane.
Entre-temps, l’interrogation, réelle mais retenue, s’emparait, une nouvelle fois, de l’opinion. Comme toujours, la presse n’osait pas traduire l’expectative nationale. Sa “positive attitude” exige d’elle qu’elle rende compte de ce qui se passe, mais de ne pas s’interroger sur ce qui ne se passe pas.
La dépêche diplomatique de l’APS avait quelque chose de tardif et de dissonant, dans un contexte local où de graves évènements internes agitent le pays : après Tiaret, le M’zab, Gdyel, c’est au tour de Chlef de sombrer dans l’émeute. Il est difficile de traiter d’activités diplomatiques dans cette inquiétante ambiance de ce soulèvement en relais. L’urgence, le message, nous vient du pays profond.
Et il ne serait pas prudent de vouloir banaliser une espèce de cycle révoltes-répression-arrestations. On a déjà mal fait de banaliser l’activisme terroriste au point de le rabaisser à un niveau de potins sécuritaires. On a fait de même avec les accidents de la circulation, les suicides, la cherté de la vie… On a voulu faire de même avec le problème de harragas, un moment réduit à un bilan d’activités des gardes-côtes.
C’est sûrement important de s’occuper du pays, comme représentation générique, mais c’est certainement plus urgent de porter son attention sur le pays profond, dans le détail des multiples difficultés qu’il éprouve. Et des périls qui le guettent.
Mustapha Hammouche