Conférer à la prospérité un caractère transfrontière
Il n’y a pas que la crainte qu’il y ait des inégalités économiques induites par la mondialisation entre pays, il y a davantage la crainte que celles-ci soient aggravées au sein même d’un pays. Déjà que les difficultés à répondre positivement et en suffisance à la résolution permanente des demandes d’emplois sont reconnues par tous, aussi bien chez nous que dans les pays étrangers, y compris les pays développés, l’impossibilité d’améliorer, ou à tout le moins de sauvegarder le niveau du pouvoir d’achat des ménages, est encore plus grande.
Dans une économie de pénurie dans le domaine des emplois et également de logements par exemple, il se désagrège la notion même de solidarité entre régions, et parfois même entre communes. A Annaba et à Ouargla, pour ne citer que ces deux villes, les jeunes chômeurs locaux ont réclamé leur part d’emplois dans les entreprises qui y activent. Pour ce qui concerne les logements, les logements sociaux et sociaux-participatifs, les demandeurs d’une commune ne veulent pas que ceux des communes voisines bénéficient de logements implantés sur leur territoire.
On imagine assez les dégâts qui seront occasionnés dans la cohésion sociale si la mondialisation se traduit par des niveaux de frustration plus élevés. Cela sera fatalement le cas si le profit est la priorité qui guide les politiques d’implantation des affaires, et se privatisent les secteurs des services tels ceux de la santé. Selon le ministre de la santé qui est intervenu pour dissiper les craintes nées de l’annonce de la création de cliniques cubaines privées dans le domaine de la chirurgie des yeux, les hôpitaux publics ne seront pas privatisés et que nous irons même vers la création de capacités publiques supplémentaires.
Ceci revient à rassurer les populations, notamment celles qui ont des revenus insuffisants et qui craindraient d’être obligées de débourser pour se soigner, qu’il n’y aura pas de privatisation du secteur de la santé, c’est-à-dire des hôpitaux et des polycliniques de proximité et qu’il n’y aura pas de prise en charge à deux vitesses en matière de santé.
Serait-il possible pour des pays tels que le nôtre de pouvoir à la fois retirer des dividendes des aspects positifs de la mondialisation et d’éviter les implications néfastes de ses aspects négatifs ?
Dans le cas où la mondialisation s’avère vraiment catastrophique pour les pays en développement et même pour les pays émergents car rien ne garantit que les pays tels que le Brésil, l’Inde et d’autres vont s’en tirer comme ils le voudraient, dans le cas également où celle-ci ne profite qu’aux pays riches et industriels, irions-nous vers une situation où seront rejetés les modèles politiques portés par ces grands pays, à savoir le rejet à la fois du libéralisme et de la démocratie telle que celle-ci est véhiculée ?
Les pays riches ont donc intérêt à ce que la mondialisation se traduise réellement pas le transfert du développement dans un rapport « gagnant, gagnant». Il a souvent été répété que le terrorisme a un caractère transfrontière et il est temps maintenant à ce que cela soit la prospérité qui possède le caractère transfrontière.
Bachir Benhassen