Insuffisant !
Hier, à Guelma, dans l’est du pays, l’ambassadeur de France en Algérie, M. Bernard Bajolet, disait des choses caressantes pour l’oreille algérienne. A la veille de la commémoration des massacres du 8 mai 1945 il nommait les choses par leurs noms, même si les noms manquaient d’énergie. Il disait des propos comme aiment en entendre les Algériens et, s’il passait par Bab El-Oued, il est certain qu’il se ferait applaudir aussi fort que le fut Jacques Chirac lors de son voyage chez nous. M. Bajolet qualifiait d’«épouvantables» les tueries qui, à l’époque, avaient fait 45 000 morts à Sétif, Guelma et Kherrata. «La France n’entend pas, n’entend plus les occulter. Le temps de la dénégation est terminé», affirmait-il.
Les Algériens ne voient sûrement aucun inconvénient à ce que la vérité reprenne ses droits, bien au contraire. Si l’histoire ne nous a point ménagés en nous plaçant pendant plus d’un siècle dans le camp des victimes, elle ne nous fait pas peur pour autant. Peut-on dire que c’est le cas en France, le seul pays à avoir eu le culot de glorifier par une loi le colonialisme et ses abominations ? Bien sûr que cela nous fait un pincement au cœur de voir qu’on écrasait la main que nous tendions.
Bien sûr que nous tenons à ce que nos relations se fassent d’égal à égal et que notre dignité, qui nous a tant coûté, a plus d’importance pour nous que d’éphémères contrats. Paris sait parfaitement que les Algériens ne sont pas d’une nature rancunière, qu’ils n’éprouvent pas de haine pour les Français et qu’ils sont prêts à envisager avec eux un itinéraire commun.
Au-delà des polémiques autour de la question de la repentance notamment, M. Bajolet semble parfaitement conscient d’une telle réalité. «La France doit faire sa part de chemin, la plus grande, sans aucun doute, mais elle ne peut pas la faire toute seule. Il faut que les tabous sautent des deux côtés et que les vérités révélées fassent place aux faits avérés», recommandait-il pertinemment à Guelma. La France l’écoutera-t-elle ?
Adoptera-t-elle son ton et ses idées ? Pensera-t-on comme lui que les générations de la guerre se doivent d’«achever la réconciliation» pour «ouvrir aux plus jeunes un avenir de partage et de prospérité» ? Nous ne pouvons que le souhaiter vivement, bien que la marche traditionnelle algéro-française nous enseigne que lorsque la France fait un pas en avant, elle en fait deux en arrière.
Ce qui nous force à revenir à la réalité qui dit qu’une déclaration anniversaire ça ne mange pas de pain. Néanmoins, M. Bajolet indique la bonne voie : «La connaissance et la reconnaissance du passé ne doivent pas accaparer seules notre attention, mais elles peuvent nous aider, Français et Algériens, à mieux aborder, ensemble et fraternellement, l’avenir que nos jeunes sont en droit d’espérer». Des propos qui seront appréciés à leur juste valeur dans notre contexte maghrébin, comme le furent ceux qui, par le passé, nous prédirent que Sarkozy nous surprendra.
Mohamed Zaâf