SOS “repentis” !
Écouter Farouk Ksentini parler des terroristes “réconciliés”, c’est à vous fendre le cœur : “Ils disent que cette situation les fragilise, qu’ils ne peuvent pas vivre de mendicité et attendent qu’ils soient réintégrés dans leurs anciens postes de travail.”
Le président du CNCPPDH (organisme national officiel des droits de l’Homme) avait déjà relayé, par le passé, le chantage des “repentis” sollicités par des médias étrangers pour s’exprimer sur leur déplorable condition si certains de leurs “droits” en souffrance n’étaient pas satisfaits. L’information, officiellement retransmise par les organes publics d’information, semble viser un double objectif : expliquer la nécessité de satisfaire avec la diligence qui s’impose les “droits” des “égarés” encore en souffrance d’une part, et d’autre part, montrer que leur patriotisme seul les retient d’étaler les “dysfonctionnements bureaucratiques” de l’administration nationale sur des radios et télévisions étrangères.
Ksentini dit qu’ils lui ont dit qu’“ils n’ont pas été réintégrés dans leurs anciens postes de travail, qu’ils ne sont pas logés et qu’ils n’ont pas les moyens de vivre”. Les pauvres ! Ne pas avoir les moyens de vivre après avoir eu les moyens de tuer, puis les moyens de l’impunité, c’est effectivement une triste déchéance !
En quoi ces “ONG internationales et médias arabes” dénoncés par Ksentini peuvent “porter atteinte à la réconciliation nationale” juste en faisant parler des repentis ? Le fait de déroger aux principes universels de vérité et de justice et de transiger avec des terroristes n’est-il donc pas en lui-même un suprême, un dommage ?
Au demeurant, la réconciliation ne peut pas échouer : elle n’a pas de délai de réalisation. Et si elle a cours tant qu’il y a des terroristes en activité, quand pourra-t-elle faillir ? Si c’est une opération politico-sécuritaire, elle a déjà échoué ; si c’est un dogme qui consacre une convergence islamo-conservatrice stratégique, elle n’échouera jamais !
Ce ne sont pas des questions bassement bureaucratiques, ni des gesticulations médiatiques qui pourraient contrecarrer, même partiellement, la mise en œuvre de l’arrangement. Sur le terrain, les “repentis”, en plus de bénéficier des insignes privilèges accordés par la Charte, ont acquis un statut d’intouchables : on ne connaît pas beaucoup d’agents des services publics qui oseraient leur opposer la moindre obstruction administrative.
La plupart d’entre eux ne sont pas revenus du maquis les mains vides ; les autres n’ont pas attendu l’autorisation de se redéployer dans les commerces improvisés ou d’accaparer la voie publique pour monter un prometteur réseau de “gardiens de parking”… Ils ne vont tout de même pas nous mettre le couteau sous la gorge, sous une autre forme, parce que des entreprises et des institutions n’ont pas pensé à leur réserver tous les postes qu’ils ont abandonnés au début des années 1990 !
Étrange revirement des choses : pendant qu’on s’attendrit sur le sort d’anciens terroristes, on reproche aux jeunes qui, malgré le chômage et la misère, furent autrement plus loyaux envers leur patrie, de ne pas se satisfaire des petits boulots qu’ils trouvent.
Mustapha Hammouche