LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE DEVRAIT INTÉRESSER L’ALGÉRIE
Décidément, les relations de l’Europe à la Méditerranée ne sont ni faciles à concevoir ni encore moins à construire de manière durable et solide. Et pour l’Europe, la Méditerranée c’est bien sûr le nord du continent et surtout la rive sud. C’est en effet, ici, que la stabilité, la sécurité, la prospérité partagée se fera ou ne se fera pas. Il y a eu en 1995, le processus de Barcelone.
Beaucoup de «tapage» mais peu de résultats concrets. Le constat de la déception générale a été établi lors du 10e anniversaire du programme : il faut remettre l’ouvrage sur le métier et apporter toutes les corrections nécessaires. Mais cette thèse n’emporte pas l’adhésion de tous les partenaires. Certains d’entre eux, et pas parmi les moins influents, proposent de revoir la copie de fond en comble d’autant que beaucoup d’éléments nouveaux sont apparus : le 11 septembre américain, le terrorisme qui frappe de plus en plus aveuglément, l’exacerbation des conflits régionaux, les boat-people maghrébins et africains. Bref, comme on peut le voir, les menaces sur l’Europe sont nombreuses et l’enjeu n’est rien moins que la stabilisation de la région sud au triple plan, politique, économique et social. Il y va de la prospérité et de la sécurité de l’Europe.
Barcelone, sans être rangé dans les placards, est alors prolongé par la Politique européenne de voisinage (PEV) lancée en mars 2003 et qui constitue «un nouveau cadre pour les relations avec les voisins de l’Est et du Sud et qui n’ont pas vocation à entrer dans l’Union européenne». Après l’élargissement de l’UE à dix nouveaux pays, notamment d’Europe centrale et orientale, est élaboré le document d’orientation de la PEV en mai 2004. On y apprend que dix pays méditerranéens (Algérie, Palestine, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Tunisie) ; trois pays est-européens (Biélorussie, Moldavie, Ukraine) sont concernés par la PEV, auxquels on ajoute une recommandation sur trois pays «intégrables » au processus nouveau (Arménie, Géorgie et Azerbaidjan).
La PEV mise sur l’idée qu’une nouvelle relation doit être instaurée avec les pays frontaliers afin de réduire les risques engendrés par les écarts importants de développement économique ainsi que par l’existence de plusieurs conflits déclarés. En fait, cette évolution est étroitement imbriquée au développement d’une politique de sécurité de l’UE. Comment l’UE peut-elle contribuer à la transformation des pays voisins en zone de stabilité et de prospérité sans recourir à la motivation de l’adhésion ?
La question fondamentale que cherche à résoudre l’UE est comment transformer les voisins tout en les tenant à distance. La PEV privilégie les relations bilatérales car elle y voit la démarche pratique et pragmatique sur le terrain qui facilitera des avancées concrètes y compris dans les zones divisées par un conflit. Différenciation et progressivité sont les concepts-clés de la PEV. L’instrument central d’exécution de la PEV est le plan d’action national qui est négocié avec chaque pays et adopté conjointement pour une période minimale de trois ans.
Ce plan d’action prévoit un calendrier de réforme à court, moyen et long terme ainsi que des indicateurs de résultats et constitue la feuille de route des priorités à mettre en œuvre. L’assistance européenne sera d’autant plus importante que les réformes auxquelles se seront engagés les partenaires dans les domaines prioritaires destinés à les rapprocher des valeurs de l’UE. Seront effectivement mises en œuvre : réformes économiques, respect des droits de l’homme, démocratie, Etat de droit, gouvernance, lutte contre le terrorisme, non-prolifération des armes de destruction massive, efforts en vue du règlement pacifique des conflits régionaux, migrations…
L’assistance de l’UE concerne le financement mais aussi la coopération technique ainsi que la participation aux programmes européens. Pour être éligible à un plan d’action de Politique européenne de voisinage, les pays du Sud doivent avoir mis en œuvre l’accord d’association signé avec l’UE, ensuite la Commission prépare des rapports sur chacun des pays soumis au conseil ; enfin la commission élabore un plan d’action à court et moyen terme (3 à 5 ans) qui fixe des réformes politiques et économiques et un calendrier. La mise en œuvre des plans d’action doit faire l’objet de rapports annuels d’évaluation. Six pays arabes de la rive sud ont déjà signé des plans d’action.
Partenaires
Plan d’action
Adoption par
de la PEV
PEV
l’UE
Jordanie
Mai 2004
02/06/2005
Tunisie
Mai 2004
04/07/2005
Maroc
Mai 2004
27/07/2005
Palestine
Mai 2004
04/05/2005
Liban
Mars 2005
17/01/2007
Egypte
Mars 2005
06/03/2007
Le financement de la PEV
C’est à partir de 2007 qu’un nouvel instrument de voisinage et de partenariat est mis en place (IEVP). Cet instrument juridique et financier succède aux programmes Meda et TACIS. Pour 2007/2013, le budget pour la PEV est de 12 milliards d’euros. L’UE prévoit aussi la création d’un fonds d’investissement auquel pourront participer les pays membres et une nouvelle facilité «gouvernance» dotée de 300 millions d’euros (Meda avait un budget 2000/2006 de 5,3 milliards d’euros). La répartition pluriannuelle entre pays et régions est de deux tiers pour le Sud et un tiers pour l’Est. La marge d’accroissement des financements sera fonction de la mise en œuvre des objectifs agréés bilatéralement entre l’UE et les pays voisins.
Les principaux domaines de la coopération de la PEV Les mesures principales envisagées par l’Union européenne dans le cadre des plans d’action de la PEV touchent à plusieurs domaines :
• Relations commerciales préférentielles et ouverture du marché
• Application des règles du marché intérieur dans ces pays
• Mise en place d’une politique relative aux migrations légales
• Coopération renforcée afin de prévenir et combattre les menaces terroristes
• Implication plus grande de l’UE dans la prévention des conflits et la gestion des crises
• Promotion des droits de l’homme et de la coopération culturelle
• Intégration des nouveaux voisins dans les réseaux trans-européens de transport, d’énergie et de télécom de l’UE et dans l’espace européen de recherche.
Processus de Barcelone, politique européenne de voisinage, accords d’association… veiller à l’application de tous ces programmes et travailler à les réussir offrirait assurément de sérieuses perspectives de partenariat gagnant-gagnant aux pays de l’euro-Méditerranée. Pourquoi, dès lors ajouter encore ce projet peu clair de l’Union pour la Méditerranée alors que la PEV n’a pas encore fini d’être mise en œuvre.
Abdelmadjid Bouzidi