Pause stratégique ? Lassitude généralisée ?
Les marches faiblement fournies organisées à Bejaia le 20 avril passé incitent quand même à une réflexion sur quelques leçons à tirer.
Il n’existe pas de mobilisation soumise à une montée en cadence qui suivrait la loi exponentielle, quand bien même que celle-ci serait porteuse de revendications pouvant être estimées comme légitimes et d’objectifs généreux. Un tel mouvement qui ne se dote pas de cellule de réflexion stratégique ne peut produire qu’une vision sur le mur.
Le pire alors pour des animateurs qui ne disposent pas de stratégie pensée et confrontée à la réalité du terrain serait d’être obligés, sous la contrainte, à prendre conscience qu’ils ont perdu toute maîtrise sur le mouvement. Le plus grave serait qu’ils se rendent compte qu’ils ont conduit le mouvement vers l’impasse et que les populations se rendent compte que ceux qui les orientent ne savent pas eux-mêmes vers où se diriger.
Il y avait bien eu une montée en puissance qui avait atteint le point le plus haut en cette journée du 14 juin de l’année 2001, mais, fatalement, l’absence d’une stratégie de capitalisation de cet acquis avait gaspillé ce dernier, puis ce fut fatalement l’autre partie de la courbe, celle de la démobilisation..
Ce 14 juin était propice au dialogue. Les populations avaient «attribué» une puissance aux encadreurs pour que ceux-ci amorcent la logique du dialogue. Or, se détourner du dialogue au moment où la mobilisation était au plus haut enlève tout sens à cette dernière. On se mobilise pour dialoguer et non pas pour continuer à mobiliser. Dès lors, les populations étaient placées en situation de se demander pourquoi y a-t-il eu mobilisation et pourquoi faudrait-il continuer à entretenir le mouvement.
Aujourd’hui encore, c’est toujours la même question que se posent les populations qui estiment qu’à la fin, il y a eu divergences d’intérêts entre ceux qui marchaient et ceux qui voulaient continuer à les «faire marcher» sans apparent et surtout sans aucune stratégie. Le résultat a été bien apparent en ce jour du 20 avril où à Béjaia ont eu lieu trois marches séparées, et pratiquement sans la participation des populations.
Décrochage des populations à l’égard des démarches, des revendications ou des animateurs qui sont si divisés qu’ils n’ont même pas essayé de marcher ensemble ?
Conviction qu’une partie des revendications est prise en charge par les pouvoirs publics ?
Incompréhension devant la mise en hors-jeu volontaire des partis politiques alors que seuls ceux-là pouvaient porter leurs revendications à l’assemblée nationale et au gouvernement ?
Incompréhension également devant la contradiction entre l’aspiration au caractère national des revendications et la demande de suppression du corps de la Gendarmerie du territoire de la Kabylie ?
Il semble également qu’en Kabylie sont épuisées et dépassées les trois formes de lutte constatées, à savoir la grève générale des commerçants et organismes publics et privés, surtout les commerçants, la grève scolaire à durée illimitée et les émeutes permanentes orientées vers les casernes de gendarmerie.
Incompréhension également devant la rupture du caractère unitaire du mouvement. Il y a bien eu trois MCB, appartenant l’un au RCD, l’autre au FFS, et le troisième au MAK.
Parmi les acquis de la mobilisation, il y a eu le HCA obtenu lors du dialogue du 22 mai à la présidence de la République et la constitutionnalisation de la langue amazighe comme langue nationale dans ses diversités régionales.
Bachir Benhassen