DE L’INDIGNITÉ EN POLITIQUE COMME EN TOUT !
Front social. Grogne chez les vétérinaires : «Nous trimons comme
des … bêtes pour des salaires dérisoires. Maintenant, ça suffit !
Nous sommes à bout de nerfs !»
De bœuf ?
Jusqu’où peut-on aller pour garder son poste, son rang dans le système ? C’est en posant cette simple question que l’on prend vraiment conscience de l’endurance exceptionnelle de la nature humaine face aux humiliations et aux vexations. Les plus endurants ont souvent recours à une explication-pirouette : «Nous sommes des commis de l’Etat, et nous sommes et demeurerons toujours à son service quel qu’en soit le prix». De l’art de grimer l’indignité en acte héroïque ! L’indignité, en politique comme en tout autre secteur d’activité et en tout domaine de vie humaine, restera de l’indignité, qu’on l’assume ouvertement ou que l’on tente de la maquiller en sacerdoce. L’indigne a une qualité, au moins. Celle de supporter.
Cela ouvre des perspectives dans le vaste champ de l’indignité. Il y a indigne et indigne. Il y a l’indigne qui se fixe lui-même des seuils d’indignité au-delà desquels il déclare forfait dans les joutes d’indignité auxquelles il a pourtant choisi librement de concourir. Tel indigne s’arrêtera ainsi de pratiquer son sport favori dès la quatrième ou cinquième humiliation subie.
Tel autre indigne s’enorgueillira de pousser son indignité au-delà de la septième et huitième vexation. Tel autre indigne revendiquera une capacité à la résistance à l’humiliation frôlant la vingtaine de rabaissements vexatoires quotidiens. Et puis, il y a l’Indigne. Celui qui arbore fièrement son I majuscule. Celui qui le porte à bout de bras comme un trophée arraché de haute lutte d’indignité acharnée.
Cet Indigne-là n’a pas de limite à son art. Il ne se connaît pas de seuil de renoncement à son indignité. Il ne s’est imposé aucune frontière vexatoire à ne pas franchir. Il accepte tout. Il s’accommode de tout. Il gobe tout. Il avale tout et reste la bouche ouverte prêt à en avaler encore. Lorsque les autres s’indignent enfin de leur indignité, tressaillent et sortent douloureusement de leur orifice buccal les trois lettres fatidiques «NON !» lui, l’Indigne en chef, le maître Indigne, le prophète des Indignes, le saint Indigne arrondit amoureusement ses lèvres, les humecte avec le bout de la langue et lance triomphalement, à celui qui l’humilie, le plus tonitruant des «OUI» que des oreilles humaines puissent entendre.
Avec cet Indigne-là, l’art de l’indignité atteint des sommets inimaginables. Avec lui, l’indignité confine à la perfection dans la T’hana. Et contrairement aux idées reçues, il existe chez nous, en Algérie quelques spécimens de ces Indignes de haut vol qui devraient rassurer ceux qui auraient poussé l’indignité jusqu’à craindre pour la survie de cette race-là. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam