L’autre terre promise !
Le makhzen s’est découvert une nouvelle vocation qui cadre parfaitement avec sa nature. Il fait le généreux avec le bien d’autrui. C’est là, d’ailleurs, un trait commun à tous les colonisateurs connus de la planète. Ainsi, des lopins de terre deux fois aussi vastes qu’un terrain de football étaient gracieusement octroyés le mois dernier à Dakhla (ex-Villa Cisneros) à l’extrême sud du littoral du Sahara occidental.
Les bénéficiaires du moment appartenaient au monde artistique et venaient d’animer un festival royalement rémunéré dans une ville portuaire sahraouie qui fut l’une des premières à s’opposer par les armes à l’invasion marocaine, vieille de plus de trois décennies. Parmi les heureux bénéficiaires figure Kadheme Essaher, la grande vedette de la chanson irakienne, qui jouit d’une grande popularité dans notre région maghrébine.
En plus d’un cachet de 150 millions de centimes, Kadheme Essaher bénéficia d’un vaste terrain dans l’un des endroits stratégiques de cette ville proche de la frontière mauritanienne, sur la côte atlantique. Il lui a suffi de s’extasier sur la beauté du site et la douceur de son climat pour que les autorités locales lui dégagent illico un espace foncier où il a toute la latitude de se faire châtelain, d’avoir son propre terrain de golf et de prétendre à un coin de paradis juste en face du «Grand Satan». Et là, il faut admettre que le makhzen finit par acquérir un savoir-faire formidable.
Au Sahara occidental, territoire non autonome, le makhzen vous fait tout de suite propriétaire foncier, sans autre formalité alors que, chez nous, votre fortune d’investisseur arrivera tout juste, si vous vous conduisez bien, à vous obtenir tout juste une… concession d’une durée limitée. Qui a pensé chez nous à accorder à Kadheme Essaher lors de ses passages en Algérie ne serait-ce que quelques centimètres carrés aux abords de l’oued El- Harrach ?
A Dakhla, les Marocains, eux, dégagent des assiettes de terrain où le mètre carré est, selon leur presse, cédé pour un dirham symbolique aux investisseurs qui comptent lancer des projets touristiques. De quel droit, diriez- vous ? Du droit du plus fort ! N’est-il pas le meilleur ? Donc, Kadheme Essaher devra à tous les coups s’attendre à avoir des Israéliens pour voisins à Dakhla. Une ville plus sûre que Haifa ou Tel-Aviv puisque on n’y voit jamais d’attentats, sachant que les Sahraouis sont les seuls résistants dans le monde à ne pas user de méthodes terroristes.
Ce qui n’empêche pas Tel-Aviv d’aider politiquement et militairement une force coloniale qui partage avec elle beaucoup de similitudes et qui se trouve être le partenaire le plus ancien, le plus sûr dans la région. L’armement pleut ces derniers temps sur les différents corps d’armée marocains et les derniers contrats dévoilés parlent de frégates sionistes alors que la France de Sarkozy vendait en octobre dernier 25 hélicoptères PUMA, 140 véhicules blindés et des équipements pour le contrôle électronique des frontières du Sahara occidental, un territoire sur lequel la France ne reconnaît aucunement la prétendue souveraineté marocaine.
Ne sont-ce pas là des transactions «mutuellement bénéfiques» qui donnent un avant-goût de la coopération interméditerranéenne. L’axe Paris – Tel-Aviv –Rabat pourrait même dans le futur penser à organiser chez Kadheme Essaher, dans sa propriété de Dakhla, des soirées où Ghrenassia viendrait faire du spectacle pour appuyer une autre «terre promise» sur l’Atlantique.
Mohamed Zaâf