La politique de l’emploi contée à des électeurs
On commence à comprendre comment le ministre du Travail compte atteindre les “deux millions d’emploi d’ici… 2009”. Si le ministre ne le dit pas, on peut tout de même deviner qu’il s’agit de l’objectif du programme présidentiel. Sur ce programme, l’État a réalisé 1 200 000 emplois, dont 756 000 directs. (Il faut, ici, admettre que si l’on croit savoir ce que signifie la distinction entre emplois directs et indirects, quand il s’agit d’évaluer un projet ou une série de projets, on ignore ce que cela recoupe quand il est question d’emploi en tant qu’agrégat national).
Les chiffres du chômage et de l’emploi ont été abondamment contestés pour revenir sur le réalisme des statistiques officielles. Disons seulement que si l’Algérie ne crée que 400 000 emplois en moyenne par an, cette année elle en créera donc 800 000, multipliant sa performance par deux grâce au projet Louh ! Parce que 2009, c’est dans un an.
À en croire les premières indiscrétions, l’État compte participer aux salaires et charges patronales pour motiver le recrutement de jeunes diplômés par le secteur économique et… la Fonction publique. Dans le cas de l’employeur public, il s’agirait alors d’un système “emploi des jeunes” revalorisé. On connaît le résultat de cette expérience : le passage de la position “emploi des jeunes” à celle d’employé fut rarement effectif, au point où des jeunes ont vieilli dans ce statut.
Pour l’instant, on ignore la manière dont l’État compte imposer le passage du statut CID (Contrat d’insertion de diplômés) pour les universitaires et CIP (Contrat d’insertion professionnelle) pour les promus des centres de formation professionnelle. Il semble que les pouvoirs publics confondent des mesures d’encouragement à l’embauche avec une politique de l’emploi.
L’efficacité d’une telle mesure est douteuse : on ne recrute un employé que pour un poste créé ou libéré, dut-il être rémunéré par le budget de l’État. Une politique de l’emploi ne se conçoit pas en dehors d’une stratégie de croissance qui, pour l’heure, n’existe que sous la forme d’un slogan chiffré, et dont le montant est sans cesse brandi et chaque fois un peu plus dilaté. En matière d’emploi, l’investissement productif seul est durablement structurant.
Si l’on n’a pas pensé à la manière de créer le gisement d’emplois qui pourra absorber les centaines de milliers de jeunes qui arrivent annuellement sur le marché de l’emploi, on aura encouragé le recrutement pour des postes qui n’existent pas.
Les pouvoirs incompétents compensent leur impuissance par le populisme. L’argent facile du pétrole aidant, ils cèdent toujours à la tentation de soutenir l’emploi et les prix, enfonçant toujours plus profondément le pays dans la dépendance aux hydrocarbures, dénonçant ainsi, par eux-mêmes, leur discours factice sur l’après-pétrole.
Cela dit, l’horizon politique du pouvoir s’arrête à 2009. Voire à avril 2009. Les “mesures” qui ne manqueront pas de survenir d’ici là serviront à nous tenir en haleine sur le radieux avenir qu’on n’a pas pu nous mitonner en neuf ans, mais qu’on va nous offrir dans un an.
Après avril 2009, ce sera comme en 2004. Un autre programme, d’autres chiffres. Trois millions d’emplois pour 2012, par exemple !
Mais cela, c’est une autre histoire ! Un autre conte.
Mustapha Hammouche