L’ÉVÈNEMENT DE CES 44 DERNIÈRES ANNÉES !
Contrairement à ce qui s’est écrit ici même, la mairie de Trifouillis-les-Oies nous informe que le prochain match amical de l’équipe d’Algérie de football ne peut se jouer dans le stade du village. Pour une raison toute simple : les gradins de 236 places ont déjà été loués de longue date pour une fête de baptême. Mais soucieuse de garder de bonnes relations avec l’Algérie, la mairie propose à la FAF son 2e terrain d’une capacité de 145 places.
Je suis sûr que les nôtres vont accepter !
Arrêtez tout ! J’ai dit arrêtez tout ! Et ne me dites surtout pas que ce que vous êtes en train de faire est important. Rien n’est plus important que l’événement qui vient de se produire chez nous. Il éclipse tous les autres événements. A côté de lui, le 3e mandat de Abdekka passe pour un fait divers pour ménagère de plus de 50 ans.
A côté de lui, le congrès de l’UGTA fait figure de réunion ordinaire de l’Union fédérale des pêcheurs à la ligne de la wilaya de Boumerdès. A côté de lui, les tribulations de Ghoulamallah avec la sainte croix feraient rire aux éclats des évangélistes du Sud Dakota, région connue pour son sens de l’humour très spécial.
Depuis l’indépendance, je n’ai pas souvenance d’un fait aussi important, aussi révolutionnaire, aussi abracadabrantesque. Le plus hallucinant, le plus incroyable dans cette affaire, c’est que mon événement est passé quasi-inaperçu. C’est à peine si deux ou trois journaux l’ont évoqué, et encore, du bout de la page. J’ai dû m’user les yeux hier pour en trouver trace dans quelques entrefilets rachitiques, entre deux bars fermés pour défaut de licence et un flic qui a tiré sur son épouse et son amant.
L’amant de l’épouse, bien sûr. Il était là ! Mon événement historique. Timide. Discret. S’excusant presque de déranger par sa seule présence. Pourtant, c’est à nous, ingrats citoyens de nous excuser, de nous confondre en excuses devant un aussi grand événement auquel nous ne rendons pas l’hommage national qui lui revient de droit et d’éthique. Cette faute, je veux ici, humblement, la réparer. L’expier. Alors, je vous livre mon événement tel que je l’ai lu : «Tlemcen. Les travaux de l’autoroute en avance de 8 mois.»
Oui ! Oui ! Je sais ! Et je comprends votre réaction. Vous vous frottez les yeux. Vous vous dites que je suis en train de vous mener en bateau un 1er avril. Eh bien non ! Je puis vous assurer que l’information est vraie. Vérifiée et officielle. En visite dans la région de Tlemcen, le ministre des Travaux publics a eu à constater sur place ce fait unique dans les annales algériennes : des travaux en avance sur les délais.
En avance de 8 mois. Je pense que maintenant, vous comprenez mieux mon insistance, en début de chronique, à vous demander de tout arrêter, de tout stopper net devant cet événement. Car, y a-t-il plus important en Algérie, plus révolutionnaire que des travaux en avance sur les délais de réalisation ? Je vous le demande, tout en fumant du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
Hakim Laâlam