Sommet arabe : il s’est tenu, ou presque !
De fait, le problème était de le réunir, ce sommet arabe. Il s’est réuni, bancal, avec une moitié de sommet, mais s’est réuni quand même.
Depuis le temps qu’on n’arrive plus à rassembler un quorum de chefs d’État et qu’il ne mérite plus qu’à moitié la désignation de sommet, on ne peut plus lui demander des résultats. Outre qu’il a servi de tribune aux provocations qu’Al-Kadhafi voudrait faire passer pour du “parler vrai”, il a dû se contenter de réchauffer “le plan de paix arabe” et de “charger le secrétaire général de la Ligue arabe” d’intercéder entre les Libanais et les Yéménites d’arranger entre les Palestiniens. Manière de botter en touche pour ne pas avoir à constater la futilité de ce qui n’est même plus le syndicat de chefs d’État qu’il fut jadis.
Le seul signe de syndicalisme réside dans leur discrétion quand il s’agit des situations dramatiques dont ils sont eux-mêmes à l’origine. Ainsi, le Sahara occidental, le Darfour et la Somalie, pour ne citer que les plus spectaculaires tragédies, ne seraient donc pas des questions arabes ! Ce sont des peuples pas très “médiatiques” qui en pâtissent ; ils en meurent à petit feu. De faim ; ce n’est pas une arme trop sonore.
C’est à se demander ce que ferait la Ligue s’il n’y avait pas la question palestinienne et les menées iraniennes, sous forme de jusqu’au-boutisme des Hamas respectifs, au Liban et en Palestine !
La presse arabe, qui consent à voir ces questions nationales dépassées par les ingérences armées de l’islam iranien, appelle les absents de ce sommet de Damas “les alliés des États-Unis”, comme si les présents étaient des foudres de guerre de l’anti-américanisme.
Discrets si l’on excepte le président de Mauritanie, les seules démocraties potentielles — la Palestine et le Liban — sont réduites par le fait des influences internationales, mais aussi par les agissements hégémoniques de leurs frères de culture et de religion à être non pas des participants à part entière, mais de simples points d’ordre du jour. Ils sont, après avoir souffert de la colonisation, victimes des rivalités interarabes et intermusulmanes et, en même temps, alibis de leur légitimité internationale.
Le “monde arabe” veut politiquement exister par ses causes et par ses hydrocarbures. Pourtant, ses causes, il en palabre plus qu’il ne s’y investit.
Le Guide libyen constitue l’exemple le plus frappant de cette existence pétro-verbale. Épousant ses postures dédaigneuses qu’il ne prend qu’en terrain conquis, il fait la leçon au reste du monde arabe sur la manière de s’émanciper du tutorat américain. On a failli oublier qu’il s’est aplati et s’est soulagé de lui-même de ses usines chimiques et de quelques millions de dollars aux premiers coups de feu en Irak. Et que s’il y a un résultat politique collatéral de l’invasion américaine, c’est dans le comportement normalisé du “Guide” qu’on peut l’observer.
Mais, c’est dans cette superbe qu’il tire d’être le plus ancien autocrate arabe qu’Al-Kadhafi est emblématique des régimes arabes. La morgue, l’agressivité, la brutalité, la discorde, tout dans la démarche est négation de la démocratie et du progrès.
Leur discorde est tragique par le spectacle qu’il offre du monde arabe. Leur hypothétique entente ne serait qu’une paix de despotes aux dépens de leurs peuples.
Mustapha Hammouche