Les services Bichat et la mort de Samia

A quarante-quatre ans, Assia vivait comme elle pouvait avec son cancer du sein. En 2003, les médecins avaient procédé à l’ablation et depuis elle devait subir des ponctions régulières d’un liquide qui se formait au niveau de son thorax. Comment s’appelle ce liquide et comment s’appelle cet acte médical ? Je ne le sais pas. La seule certitude est qu’elle vivait une maladie lourde et était une habituée du service des cancéreux. Vendredi 21 mars 2008, elle se trouvait chez sa sœur, à Oued Smar, pour souffler un peu et se remettre des fatigues de cette terrible maladie.

Le même jour, vers 18 h, elle chute et souffre d’atroces douleurs. Sa famille obtient de la Protection civile d’El-Harrach un transport en ambulance aux urgences de l’hôpital Mustapha-Pacha où elle était suivie. Les urgences l’adressent au service d’orthopédie connu sous le nom de Bichat. Les médecins de garde diagnostiquent une fracture du col du fémur et recommandent une hospitalisation et une opération immédiates. Mais la renvoient chez elle parce qu’ils n’avaient pas de lit disponible.

Ils recommandent à sa famille d’envoyer quelqu’un le lendemain avec une lettre qu’ils avaient rédigée pour s’assurer d’un lit mais en laissant la malade chez elle, avec ses souffrances et vous imaginez bien quelles douleurs peut provoquer une fracture. Samedi 22 mars, la famille se présente à Bichat avec la lettre. On lui demande de revenir l’après-midi. A 16 h, on l’informe de l’impossibilité d’admettre Assia par manque de place. Raison invoquée : depuis que le nombre de lits est passé de quatre à deux par chambre, les capacités d’accueil ne permettent plus de répondre à la demande.

Le père se rend à l’hôpital Zemirli, réputé pour son art en orthopédie (avec le terrorisme et l’autoroute vous comprenez pourquoi). Mais à Zemirli, le ministre, en visite, a ordonné la fermeture du bloc chirurgical et à Maillot, le service est en rénovation. Dimanche 23 mars, dès 9 h, l’entreprise publique dans laquelle travaille son mari met à sa disposition une ambulance. Le plan est simple : à Ben Aknoun existe un service d’orthopédie et y travaille un ami de la famille.

Il fallait l’y amener et en même temps envoyer un parent à Bichat pour supplier un prof. A Ben Aknoun, les médecins qui l’examinent expliquent gentiment à la famille qu’elle doit être opérée à proximité du Centre Pierre-et-Marie-Curie pour les raisons évidentes des soins nécessaires à son cancer et l’hôpital de Ben Aknoun ne dispose pas d’un service de cancérologie. L’ambulance transporte la malade dans un service extérieur d’orthopédie qui se trouve dans des cités du quartier du 1er- Mai qu’on appelle les Groupes. Une lettre est remise insistant sur l’urgence d’une prise en charge chirurgicale. Mais à Bichat, rien ne bouge.

Alors, en désespoir de cause, le père l’emmène au CPMC où son médecin traitant, une dame, et une paramédicale vont tenter de la faire hospitaliser. Entre-temps, le parent qui devait voir le prof se fait éconduire après deux heures d’attente, sans explication. Un autre parent recommandé par un médecin de Maillot attend trois heures pour voir le chef de service qui refuse de le recevoir, instruisant sa secrétaire de renvoyer le solliciteur en lui disant que le bloc est fermé.

Qui dit la vérité, le chef de service qui parlait de bloc ou les médecins qui parlaient de lit ? Il est 14 h. Assia dans son brancard souffre. Elle supplie ses parents de la ramener à la maison car l’envie d’uriner devient un supplice. Mais son médecin traitant et la paramédicale s’obstinent. Elles essayent toutes les voies pour la faire hospitaliser et décident de lui donner un lit au CPMC puis de se battre pour la faire opérer à Bichat. A 18 h, elles lui trouvent un lit et alertent un médecin de la chirurgie thoracique pour lui faire une ponction. Il refuse et ces deux dames vont chercher un autre moyen. Elles y parviennent, mais quel combat !

Quelle souffrance pour Assia qui est épuisée et pour sa famille ! Le lendemain, lundi 24 mars, Assia meurt d’épuisement sans avoir été opérée. Que vous dire de ces profs de Bichat ? Je n’en sais rien. Mais rien n’est plus terrible que de voir une femme médecin se battre pour son malade, à l’intérieur même de l’hôpital avec l’aide d’une paramédicale. De quoi relèvent l’attitude de ces profs et leur froide indifférence ? A vous de réfléchir à la réponse.

MOHAMED BOUHAMIDI

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