La patate chaude
Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Chez nous, dès qu’on veut éviter de faire la lumière sur une sombre affaire, on crée une commission d’enquête. Des différentes commissions d’enquête créées, ont peu ou prou rendu publics leurs résultats. Ce qui fait dire à la vox populi que dès qu’on crée une commission, c’est pour mieux enterrer le problème qu’elle est censée résoudre. Histoire de se débarrasser de la patate chaude. Combien de commissions d’enquête a-t-on créées? Combien ont rendu leurs rapports? Ainsi, depuis deux décennies, près d’une vingtaine de commissions d’enquête ont été créées.
Elles jouent le plus souvent le rôle de fusible. La dernière en date est la commission de suivi de la femme rurale qui devait voir le jour le 8 Mars dernier, Journée internationale de la femme. On a même pensé à créer une commission de wilaya de suivi chargée de la prévention et de la protection des régions vulnérables contre les dangers naturels. Il en est ainsi de la commission sur la bonne gouvernance, de la commission sur la pomme de terre avariée importée du Canada, sans oublier la commission en charge de la fraude au baccalauréat. Il en est de même pour la commission censée se pencher sur le pouvoir d’achat.
A peine celles-ci installées et avant même d’entamer leurs investigations, leurs membres apprennent que c’est la faute à la spéculation. En voulant noyer le poisson, on ne s’y prendrait pas mieux. Pour tout l’or du monde, on ne voudrait être à la place des membres de ces commissions chargées de réfléchir sur la question. Aussi, à quoi bon créer une commission quand on sait déjà que les résultats des précédentes ont été renvoyés aux calendes grecques.
Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, sans jeu de mots, c’est à se demander le sens réel de ces commissions quand on sait qu’il existe des institutions de la République à même de prendre en charge ces affaires. L’APN en tant qu’émanation du peuple dispose de ce pouvoir. Elle regorge même de plusieurs commissions. Mais leur efficacité laisse, c’est le moins de le dire, à désirer, notamment si l’on se réfère à l’absence de résultats.
En somme, les quelques expériences de commissions d’enquête mises en place par les différentes assemblées ont montré leurs limites, au point d’être qualifiées de commissions «étouffoirs» ou commissions «alibis». Les exemples ne manquent pas. «Si vous voulez étouffer une affaire, instituez une commission d’enquête parlementaire», notait avec ironie un député.
Sans oublier que la qualité des membres de ces commissions ne répond pas souvent aux normes de crédibilité et d’impartialité requises à moins de se refiler, en douce, la patate chaude et d’étouffer le scandale dans l’oeuf.
Smail ROUHA