L’invitation à la traîtrise

Dans son allocution à Manhasset, M. Chakib Benmoussa, le ministre marocain de l’Intérieur, appelait l’Algérie à l’aider dans sa solution concoctée pour le Sahara occidental. «Nous sommes convaincus de l’impossibilité de parvenir à un règlement définitif de ce conflit sans l’adhésion de l’Algérie au processus de paix tant est fondamental le rôle qu’elle peut jouer pour aplanir les obstacles et rapprocher les points de vue», disait le ministre marocain.

Des paroles tellement mielleuses qu’elles risquent de vous faire oublier celles venimeuses servies dans la phrase d’avant. Ecoutons-le : «La solution réaliste, honorable et équitable pour tous ne peut se concevoir que dans le cadre de l’autonomie, toute l’autonomie, et rien d’autre que l’autonomie», disait-il avant d’exhorter les Algériens à saisir cette occasion historique pour tourner la page du passé.

Là, on ne saisit plus très bien de quelle page et de quel passé parle-t-on ? Le passé est tellement accidenté qu’on appréhende de s’y risquer alors que les pages, dès qu’on les tourne ou qu’on les retourne, on se rend compte qu’elles contiennent toutes, qu’on le veuille ou non, du Sahara occidental. Une réalité difficile à cacher ou à contourner. Et c’est ce qui explique justement la lourde ambiance qui règne depuis plus de trente ans dans la région et qui freine la réalisation de la maison maghrébine dont rêvent tant nos peuples. Comment pourrait-on tourner la page d’une œuvre accomplie par d’autres ?

Comment Alger pourrait-elle, même dans le cas où elle le voudrait, tourner les pages d’une œuvre encore inachevée ? A-t-on décolonisé conformément à la légalité internationale ? A-t-on donné l’occasion aux Sahraouis d’exercer leur droit à l’autodétermination ? Les Marocains sont prêts à un référendum sur l’autonomie mais pas sur l’autodétermination. Si la première formule est vendue comme la solution idoine, la seconde est qualifiée, elle, d’«obsolète» et d’«irréalisable». Comme s’il ne s’agissait pas du même territoire, du même peuple et du même colonisateur.

Au nom de quoi l’Algérie, qui a grandement contribué à la décolonisation de notre continent, devrait-elle tourner casaque pour se mettre aux côtés d’un colonialisme cette fois de la part d’un pays du tiers-monde ? Par le passé, l’Algérie a aidé avec succès à «aplanir les obstacles et à rapprocher les points de vue» entre la Mauritanie et le Polisario. Les Mauritaniens étaient sincères dans leur volonté d’enterrer la hache de guerre.

La farouche résistance sahraouie les a aidés à comprendre qu’il n’était pas besoin de recourir à un référendum. Ils se retirèrent donc du Sahara occidental. Cela ne fut nullement une source d’instabilité pour eux Est-ce le cas du Maroc aujourd’hui ? L’Algérie peut-elle se risquer dans une aventure de bons offices pour régler le conflit qui enregistra le plus de reniements aux engagements après celui qui oppose sionistes et Palestiniens ?

L’Algérie oserait-elle une telle chose alors qu’à la veille du 4e round de Manhasset, son président n’avait d’autre choix que d’appeler à accompagner les pourparlers «d’un strict respect du cessez-le-feu» en vigueur depuis 1991 au Sahara occidental ? Solliciter le voisin lorsque, sur le terrain, on s’attelle à verdoyer le Sahara occidental d’uniformes n’incite certainement pas à la confiance. Et puis, pourquoi tenter le diable puisque, comme le rappelle Bouteflika, la décolonisation «relève exclusivement de la responsabilité des Nations unies et du Conseil de sécurité».

Mohamed Zaâf

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