Terrorisme : la narration désinvolte d’un sujet grave

Une littérature sécuritaire désinvolte fleurit dans la presse nationale. Elle tend à faire de l’activité terroriste un sujet de conjectures romanesques et de la lutte antiterroriste un spectacle. Les comptes rendus prennent des tons fantastiques dignes de fictions à rebondissements. Peut-être se trouve-t-il des lecteurs qui suivent l’actualité sécuritaire comme on suit les épisodes d’une fiction télévisée. Mais, le spectacle n’amuse plus quand on sait que des drames sont quotidiennement vécus par nos concitoyens enlevés ou assassinés.

C’est à se demander à quoi rime ce suivi médiatique assidu de l’évolution de la situation sécuritaire.
Il y a deux jours, nous devions assimiler que c’était habile de la part de la police de Tizi Rached de rester consignée dans ses locaux pendant qu’un groupe de terroristes, dont l’importance variait de dix à cinquante éléments selon le rapporteur, mettait à sac la banque et la poste de la ville.

Pas besoin d’explication officielle sur cette étrange attitude qui a permis à des terroristes d’occuper une localité, d’y faire exploser des bombes avant de se retirer sans coup férir ; les “observateurs de la scène sécuritaire” nous expliquent que le principe était de ne pas se laisser attirer vers le piège. Il est préférable de penser que la raison de cette furtive occupation de Tizi Rached est ailleurs. Sinon, pourvu que le stratagème ne soit pas souvent réédité : on sera obligés de leur céder le terrain, là où ils opèrent quand ils le désirent.

L’insolite épisode de Tizi Rached à peine oublié, voilà qu’on le rappelle à notre mauvais souvenir : le groupe qui a assailli la bourgade aurait été identifié !

Un groupe de criminels qui, une nuit, fait des siennes à coups d’explosifs pendant un temps indéterminé et assassine un policier, avant de disparaître dans la nuit. Le lendemain, on nous convainc que le mieux à faire était de ne pas intervenir et le surlendemain on nous apporte la bonne nouvelle : on a mis un nom de “seria” sur cette bande de tueurs.

La lutte antiterroriste, dans sa version médiatique, est réduite à la tenue de fichiers. Des épopées d’“émirs”, des restructurations de phalanges, des organigrammes de groupes jalonnent les récits censés restituer le drame qu’endurent les Algériens dans les zones “sécuritairement” sinistrées et la tâche pénible que les forces de sécurité doivent y assumer.

Il y a à l’évidence une dangereuse facilité dans la narration de la tragédie. La prolifération d’“émirs”, même “abattus”, les épopées des Abou… dans les reportages font du GSPC ou autre Al-Qaïda au Maghreb une armée de preux officiers où l’on rencontre rarement de vulgaires fantassins. Que peut donc une troupe de simples soldats contre une légion d’“émirs” ?

En théorie, les guerres s’expriment en termes de bilans opérationnels ; aujourd’hui, le terrorisme a droit à des rapports romancés. La tentation de verser dans le lyrisme qui en découle donne ce genre de mythes : Hanane ou la trente-troisième kamikaze et la fausse affaire d’attentat-suicide de Sabrina évité dans la région de Bouira. La narration de l’actualité sécuritaire gagnerait peut-être à se mettre enfin en adéquation avec la gravité de son sujet.

Mustapha Hammouche

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