“La pensée tiède” (2 et fin)

Vous pensez bien que tout au long de ces chroniques consacrées à l’énorme publicité autour du dernier roman de Sensal, je me suis interrogé sur l’unanimité médiatique parisienne. Excusez du peu : voilà un homme qui dit avoir fait œuvre de fiction tout en se donnant un point de départ réel, une hypothétique bourgade sétifienne puis qui brandit, et la presse parisienne avec lui, cette invention pour en faire la pièce à conviction, la preuve matérielle d’une accusation en nazisme.

Il faut le faire ! Je me suis demandé, évidemment, comment la supercherie d’un procès construit sur une œuvre romanesque pouvait échapper à la sagacité de ces grands journaux, par ailleurs grands pourvoyeurs de leçons à l’endroit de notre presse ? Bien sûr, quelque chose cloche dans cette affaire. Il était prévu de longue date que cette année l’Egypte serait l’invitée du Salon de Paris puis ce fut Israël au prétexte certainement que cela coïnciderait avec le soixantième anniversaire de sa création.

Alors j’ai repris la lecture d’un livre, La pensée tiède de l’Anglais Perry Anderson paru aux éditions du Seuil, car j’avais souvenance qu’il y expliquait quelques dessous de la vie médiatique et intellectuelle française en général et parisienne en particulier. En réalité, il s’agit d’un essai à l’écriture fluide, digeste, au style limpide, à l’humour souterrain mais décapant. Il part d’un constat fait d’une sorte de déclin de la France et de sa culture et avant d’en chercher les racines.

On découvre avec lui que ce déclin s’amorce dans les années 1970 à partir de trois revues créées pour combattre l’aura de la gauche et du marxisme et conjurer les périls anticapitalistes de l’époque. Le livre est ahurissant. On découvre les accointances et les connivences entre les thèmes choisis, les intellectuels et «penseurs» à lancer comme des savonnettes, les hommes politiques et l’argent à partir d’un centre fédérateur et planificateur la sixième section de l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et d’un grand coordonnateur en cheville avec les milieux de la finance et de la politique.

Tout ce qui est donné à penser, à voir, à lire est peu organisé, planifié, dans une grille implacable avec des ramifications et des réseaux quand dans les apparences ce maillage de la pensée et cet embrigadement des conscience ne semblent répondre qu’à des considérations désintéressées. A tous les coups, cette planification de la «bataille idéologue» poursuivait des buts politiques immédiats et consolidait des perspectives à moyen terme. Pas de doute après avoir relu le livre.

Il est quasiment impossible que ces histoires, apparemment séparées, de dévalorisation de notre guerre de libération soient spontanées ou en tout cas que leur utilisation soit fortuite. Reste à savoir pourquoi et dans quels buts car il me semble bien, sur la base de ma simple intuition, qu’il ne s’agit pas de solder des comptes coloniaux à notre détriment mais de préparer une sorte de pacte néocolonial en y enrôlant de nouvelles forces que la déception née des résultats de l’indépendance rendrait plus sensibles aux sirènes du néocolonialisme.

MOHAMED BOUHAMIDI

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