Honte à ceux …

A deux reprises, dans Arts & Lettres, en 2006 et 2007, il avait été question de Tahar Hanache. Le cinéaste et écrivain Abderrezak Hellal avait présenté quelques jalons de la carrière de cet homme émérite et rapporté cette anecdote selon laquelle, ayant formé Hadj Abderrahamne, il lui suggéra d’adopter l’accent de Jijel pour son personnage de l’inspecteur Tahar (tiens, ce prénom, n’était-ce pas un hommage à Hanache ?).

Par la suite, le réalisateur Abdenour Zahzah avait évoqué son œuvre en promettant d’y revenir. Depuis, il n’a eu de cesse d’aller sur les traces de celui qui apparaît bien comme le père du cinéma algérien, fouillant les archives, recherchant ses proches, exhumant une partie appréciable de la mémoire de cet acteur, producteur, scénariste, réalisateur et… méprisé des siens. Moment d’émotion quand Zahzah nous donna rendez-vous Place Ettoutt à Blida pour aller voir Les plongeurs du désert (1952), retrouvé dans la cave de la cinémathèque locale. Magnifique fiction, image superbe, musique d’Iguerbouchene, montage parfait et Momo récurant un puits en apnée, à l’image du champion qu’il fut dans cette discipline.

Surprise : En fin de pellicule se trouvait un documentaire de Hanache sur sa ville natale, Constantine. Les deux films sont truffés d’allusions, de signaux et de codes à l’évidence destinés à feinter la censure coloniale. Parfois de manière à peine voilée, comme ce commentaire : « Quittons la ville arabe pour aller vers la ville européenne.

Ici, on peut contempler l’œuvre de la civilisation ». Et ces thèmes qui reviennent dans les deux œuvres : les plongeurs, hommes d’audace ; les torches allumées, symboles de révolte… Si Hanache obtint un visa d’exploitation pour Les plongeurs… son film fut néanmoins boycotté, comme le montre ce texte inédit de Jean Sénac que Hamid Nacer-Khodja a retrouvé et commenté pour vous. A tous les égards, l’homme méritait ce dossier pour lequel nous remercions aussi sa famille et notamment sa fille aînée. Lisez-le, faites-le lire, car c’est aussi un témoignage émouvant et implacable sur le sort de nos artistes.

Vous y verrez comment le premier cinéaste algérien, après avoir été l’opérateur de réalisateurs prestigieux, Rex Ingram et probablement Renoir, Fritz Lang, Abel Gance et d’autres ; après avoir réalisé en 1938 le premier film algérien ; après avoir créé la première société de production « indigène » ; après avoir participé au lancement de la télévision algérienne au lendemain de l’indépendance, se retrouva non seulement oublié, mais humilié.

Dans les années 20, il jouait aux côtés d’Alice Terry, grande actrice d’Hollywood. Après l’indépendance, il se retrouve cameraman de matches au stade du 20 Août avec un salaire d’éclairagiste ! Honte à nous. Non. A ceux qui l’ont plongé dans le mépris et le désert de l’oubli.

Ameziane Ferhani

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