INDUSTRIE ALGÉRIENNE : Rien ne va plus !

Le Conseil de gouvernement, réuni la semaine passée, a entendu une communication du délégué au plan portant sur les résultats économiques de l’année 2007. Les données chiffrées présentées à cette occasion sur la situation du secteur industriel sont, pour le moins que l’on puisse dire, une véritable sonnette d’alarme. Il faut rappeler que l’économie algérienne a été bâtie, à la fin des années 1960, sur une ambition industrielle, légitime par ailleurs, et les efforts d’investissement faits dans l’industrie durant les trois plans qui se sont succédé : quadriennal I (1970-1973), quadriennal II (1974- 1977) et quinquennal (1980-1984) étaient véritablement à la mesure de l’ambition affichée.

Le taux d’investissement dans l’industrie (ou taux d’accumulation industrielle) a été durant la période de 31% du PIB. Le tiers des ressources de la nation étaient affectées par l’Etat à l’industrie (à l’industrialisation pour être plus précis). Lorsqu’on examine les résultats affichés aujourd’hui par la production industrielle algérienne, on prend toute la mesure de l’échec de l’industrialisation du pays. Les raisons de l’échec sont nombreuses et nous aurons probablement l’occasion d’y revenir. Pour l’heure relevons, en premier lieu, la baisse constante de la part de l’industrie dans le PIB alors que les «planificateurs» de l’époque prévoyaient exactement le contraire.

Evolution du poids de l’industrie dans le PIB :

Année

Pourcentage PIB

1982

18%

1993

12%

2004

6%

2006

4,7%

Et il faut savoir que dans le secteur industriel hors hydrocarbures sont comptabilisées les branches (énergie et mines et carrières) lesquelles branches ont vu leurs poids dans la production industrielle passer de 8% en 1989 à 16% en 2000 et 19% en 2005 (source : Commissariat à la prévision et la prospective). Ceci signifie que la régression de la production des industries manufacturières est beaucoup plus importante que celle du secteur de l’industrie dans sa globalité. Le tableau qui suit montre clairement cette régression.

Evolution de la production industrielle (indice 100 en 1989)

1989

1999

2003

2004

2005

206

Industries hors hydrocarbures

100

75,3

73,8

73,8

74,6

74,4

Industries manufacturières

100

67,9

62,9

61,4

60,00

58,7

En 2006, la production des industries manufacturières ne représente plus que la moitié de celle de 1989 !
Par branche industrielle, l’évolution de la production a été la suivante : (indice 100 en 1989)

Année

1989

1999

2006

Branches

ISMME

100

56,1

71,5

Matériaux construits

100

90,5

108,5

Chimie, caoutchouc

100

91,7

79,7

Agroalimentaire

100

93,9

32

Textiles

100

39,6

21,2

Cuirs et chaussures

100

15,9

9,2

Bois, liège

100

38,9

23,8

Industries diverses

100

19,1

18,8

A l’exception des industries sidérurgiques, métalliques, électriques (ISMME) et des matériaux de construction, toutes les branches industrielles ont vu leurs productions régresser d’année en année. C’est à une véritable crise profonde que fait face l’industrie algérienne. Pour l’année 2007 (à fin septembre), la production industrielle publique a baissé globalement de -2 % et l’industrie manufacturière de -5,1 % avec - 12 % pour la chimie-caoutchouc-plastiques, -8 % pour les industries agroalimentaires, -17 % pour les textiles, bonneterie -9,4% pour les cuirs et chaussures, -8,7 % pour les bois et lièges, -39,3 % pour les industries diverses. Comme on peut le constater, la descente aux enfers se poursuit.

Le secteur industriel privé
La régression des industries manufacturières ne concerne pas que le secteur public. En 2007, la production du secteur industriel privé a stagné (0,54 % pour les neuf premiers mois de l’année contre +3,7 % en 2006 si l’on en croit les chiffres de la délégation au plan). Cette régression de la production industrielle du secteur privé est encore plus inquiétante car on pensait que ce dernier allait être le moteur de l’industrie algérienne. Sa place y est de plus en plus importante (39% de la valeur ajoutée industrielle contre 25% seulement en 1989 et sa faible performance pour ne pas dire son essoufflement) que le plan date à l’année 2000, est préoccupant. Sur la période 1996-2000, la croissance réalisée par l’industrie privée a été en moyenne de +10 % par an. Elle n’est plus que de 2% en moyenne annuelle sur la période 2000-2006 (source : plan) Bien évidemment, l’industrie nationale est loin, bien loin de satisfaire à nos besoins en produits industriels. Le poids des importations de produits d’origine industrielle dans nos importations globales se passe de tout commentaire :

Importations industrielles

Période

Poids des importations de produits industriels

1966-1986

90%

1987-1999

87%

2000-2005

89%

Les exportations hors hydrocarbures qui comprennent bien évidemment d’autres produits que les produits manufacturés ont été d’un montant de 1,31 milliard de dollars (source Algex). L’agence de promotion du commerce extérieur précise que 70 % de ces exportations hors hydrocarbures sont constituées de déchets ferreux et non ferreux, de produits dérivés des hydrocarbures (ammoniac, solvants, méthanol, hélium) et de produits miniers (phosphate, zinc …). Comme on peut le constater, l’industrie, celle qui transforme et crée de la valeur, est absente. Les produits industriels finis, c’est-à-dire les produits de l’industrie manufacturière, ont rapporté des recettes d’exportation de 78 millions de dollars soit 0,78 milliards de dollars sur des recettes d’exportations totales de 60 milliards de dollars ! C’est-à-dire 0,013% !! On peut encore préciser que le fonctionnement de l’industrie manufacturière nationale nécessite un minimum d’importations de 1,8 milliard de dollars par an (matières premières, pièces de rechange, équipements, services à l’entreprise) et n’exporte que pour 0,78 million de dollars !! Encore une fois, que serons-nous sans les hydrocarbures ? ! Renouer avec notre ambition industrielle, relancer notre industrie, repenser le paradigme du développement industriel : le temps joue contre nous, et bien évidemment, le projet de relance et de nouvelle stratégie industrielle doit plus que jamais être à l’ordre du jour.

Abdelmadjid Bouzidi

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