Salades

Depuis le déplacement du président Bouteflika à Tamanrasset, au début du mois, il ne se passe plus un jour sans que la télévision ne diffuse, comme à la veille de l’élection présidentielle de 2004, des images de chefs de zaouïas, d’associations ou de partis politiques exprimant, sur la place publique, leur souhait de voir le chef de l’Etat briguer un troisième mandat.

Bien entendu, cette doléance est assortie d’un soutien ferme au projet de révision de la Constitution ardemment défendu par le FLN. Souvent, les scènes sont tellement burlesques et marquées par des relents folkloriques qu’il est difficile de ne pas faire de similitudes avec l’univers romanesque de Gabriel Garcia Marquez.

Car en fait, cette manière de faire ou de concevoir la politique (si cela peut être perçu comme tel) confirme que chez nous, les urnes, les partis, la presse et la Constitution ne sont, en réalité, qu’un alibi, un paravent, une vitrine destinés à accréditer, surtout à l’étranger, l’idée que l’Algérie s’est débarrassée de ses archaïsmes, de son clanisme et de son tribalisme.

Lundi, c’était donc au tour des responsables du Conseil de la nation et de l’Assemblée populaire nationale de prêter « allégeance » au président de la République face aux caméras de la télévision nationale. Par ces temps de reniement et de « larbinisme » politique, l’événement aurait pu passer inaperçu.

Qui aurait pu prêter, en effet, un quelconque intérêt aux activités d’une institution réduite à une simple chambre d’enregistrement ? (Après tout, les gens qui croient encore que le Parlement possède un quelconque pouvoir ne constituent qu’une minorité). Néanmoins, cette fois, cela n’a pas été le cas.

Pourquoi ? C’est qu’en voulant expliquer et justifier à tout prix son soutien aux projets du chef de l’Etat, le président de l’APN, M. Ziari, a lâché une énormité qui a amené beaucoup à cesser définitivement de nourrir l’espoir que l’Algérie puisse un jour être autre chose qu’une république couscoussière et une dictature comme l’est le reste des pays arabes.

Pour faire avaler la couleuvre, M. Ziari n’a rien trouvé de mieux que de présenter la notion d’alternance au pouvoir et le principe de la limitation des mandats comme une invention diabolique de l’impérialisme rampant et tentaculaire conçue expressément pour maintenir au stade de primitifs les continents africain et asiatique.

Venant d’un médecin de formation qui a de plus fréquenté les bancs des universités occidentales, la chose déçoit beaucoup. Surtout que l’opinion espérait qu’avec son arrivée à la présidence de l’APN, cette institution ferait moins « Carnaval fi dechra » et surtout qu’on prendrait un peu moins les gens pour des dégénérés.

Les responsables, quels qu’ils soient, ne doivent pas perdre de vue que la société a déjà goûté à la liberté et que, par conséquent, elle sait quand on veut l’empêcher d’être libre. Et plutôt que de s’évertuer à faire admettre l’idée que l’alternance au pouvoir est un principe subversif, il serait plus « crédible » pour ces mêmes responsables de s’afficher ouvertement en faveur de l’instauration d’une dictature et de demander à ce qu’on sorte les chars dans la rue. Car il est important qu’ils sachent que plus personne ne croit à leurs salades.

Zine Cherfaoui

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.

intelligence artiste judiciaire personne algériens pays nationale intelligence algérie artistes benchicou renseignement algérie carrefour harga chroniques économique chronique judiciaire économie intelligence chronique alimentaire production art liberté justes histoire citernes sommeil crise alimentaire carrefour économie culture monde temps
 
Fermer
E-mail It