La plus belle invention
Les enfants m’ont posé une colle : «Quelle est la meilleure invention de ces cinquante dernières années ?» Que répondre ? Notre génération a connu tellement d’inventions scientifiques et technologiques marquantes qu’il m’a paru extrêmement difficile de faire un choix.
Bon sang, qui aurait cru, un jour, que nous disposerions d’appareils mobiles pour communiquer ? Oui, se parler à distance, sans fil, comme nos héros des séries de science-fiction si populaires dans les années soixante-dix ! Non seulement parler, mais envoyer des messages, des photos même, voire des vidéos ! Hallucinant ! Qui aurait pu prédire que les images vacillantes et en noir et blanc de nos vieux «Radiola» et «Philips» allaient se colorer, avant d’être numérisées et de passer à la haute-définition ?
Au Japon, on travaille actuellement sur l’UHDTV (ultrahaute- définition) dont on dit qu’elle n’a rien à envier à l’image visible par l’œil humain ! Et que dire de l’évolution stupéfiante du son ! Nos vieux microsillons ont été dépassés une première fois par les cassettes audio, avant que le disque laser ne s’impose. Le numérique et ses applications révolutionnaires ont transformé de fond en comble les bandes audio des films cinématographiques.
Dolby Surround, 5 points un, Home Cinéma : où s’arrêtera le progrès ? Que dire du perfectionnement de l’informatique ! L’ordinateur, à ses débuts, était un gros assemblage de machines de la taille d’un homme. Le tout aboutissant à une imprimante gigantesque dont la prouesse était de sortir des… fiches de paie !
On allait spécialement à Ouenza pour admirer cet instrument prodigieux né de ce que l’on appelait alors la cybernétique et notre professeur de philosophie avait beau répéter que cette science des âges nouveaux allait bouleverser le futur, nous en rigolions presque, persuadés que l’ordinateur ne sortirait jamais des grandes administrations et des centres de recherche militaires.
Nous avons pourtant vu arriver le Macintosh et ses quelques mégas de mémoire, puis le PC et ses programmes conviviaux signés Microsoft, avant que la déferlante internet ne vienne emporter définitivement notre scepticisme. Aujourd’hui, aucun domaine de la vie professionnelle ou privée n’échappe au microordinateur, roi indéboulonnable de la civilisation moderne et outil si précis qu’une simple remise en cause de la datation avait provoqué une panique générale en l’an 2000, lorsque la planète fut soudainement prise en otage par le «bogue» !
Un monstre d’un genre nouveau qui n’a pas choisi les souterrains de la Terre ou les espaces sidéraux pour croître et gagner en force et en méchanceté, comme nous l’apprennent toutes les légendes d’hier et d’aujourd’hui ; non, un monstre virtuel, nourri aux octets vitaminés, rampant dans les circuits déployés à l’infini aux quatre coins de la planète ; un monstre qui n’a rien à voir avec ces virus et autres chevaux de Troie qui agressent quotidiennement nos machines : ce bogue avait le pouvoir de paralyser toute la vie terrestre !
Que répondre aux enfants ? Dans la médecine, dans les sciences spatiales, dans la chimie, la physique, dans tous les domaines, il y a mille et une inventions dont l’homme peut être fier, des découvertes qui ont amené le progrès aux hommes et facilité leurs conditions de vie. Regardez autour de vous : que ferez-vous sans cuisinière, sans réfrigérateur, sans robots de cuisine, sans électricité, sans gaz, sans téléphone, sans climatiseur, sans télévision, sans parabole, sans internet, sans voiture, sans avion…
Mais, en même temps, j’aurais voulu dire aux enfants, avant de répondre à leur question, que toutes ces belles choses n’ont d’utilité et d’importance que si tout le monde en bénéficie. Hélas ! Dans ce monde si injuste, les trois quarts de la population en sont privés ! Autre revers de la médaille : beaucoup de ces machines dégagent des gaz nocifs qui ont un impact mortel sur le climat de la Terre. En plus, l’ordinateur est une arme à double tranchant !
Toute la nouvelle technologie militaire est basée sur l’informatique et on tue plus facilement, plus vite et sans rater sa cible, en utilisant les ordinateurs installés dans les chars, les canons, les navires de guerre et les avions de combat ! Que dire aussi d’un rapport tout frais que je viens de consulter et qui dit qu’une utilisation abusive du téléphone portable donnerait, dans certaines conditions, le cancer ! Mais le pire n’est pas là !
Le pire est la mort de la culture au sens originel du terme, c’est-à-dire ce socle sur lequel reposent les civilisations diverses qui ont peuplé la planète, ce savoir transmis de générations en générations, ces pratiques qui font la différence entre un peuple et un autre, cet héritage humain qu’aucune technologie ne peut remplacer. Nous sommes dirigés par des programmes informatiques et télévisuels qui sont conçus par les nouveaux maîtres de la terre.
Lorsqu’ils se sont aperçus de notre réticence à gober tout ce qu’ils essayaient de nous faire avaler, car nous appartenions à un monde qui refuse d’être totalement occidentalisé, ils se sont mis à déployer satellites et programmes arabisés, islamisés, pour nous mener là où ils voulaient. Aujourd’hui, il devient clair qu’une chaîne comme Al Jazeera est une création diabolique des Américains qui, pour la rendre crédible, lui ont donné un ton anti-américain manifeste !
Si vous voulez que le poison arrive à produire l’effet désiré, glissez-le simplement dans une sucrerie ! Al Jazeera, qui nous a tous trompés à ses débuts, est une création de ces princes qui jouent à l’anti-impérialisme comme s’ils jouaient dans une pièce de théâtre. A la fermeture du rideau, ils redeviennent de fidèles serviteurs de la Maison Blanche ! Pour être encore plus clair, posons cette question : pourquoi les propriétaires d’Al Jazeera qui insultent Bush et son administration à longueur de journée et veulent nous donner l’impression qu’ils sont anti-sionistes et pro-résistance ; pourquoi n’agiraient-ils pas en conséquence ?
La parole est facile, mais l’acte difficile, voire impossible. Quand on sait que le centre opérationnel et décisionnel de toute la campagne irakienne de l’armée US était installé dans ce même Qatar ou que ce pays est le principal «allié» d’Israël dans la région, à quelle conclusion arrive-t-on ? Les masques tomberont un jour… Mais en attendant, reconnaissons qu’il serait trop facile d’incriminer Al Jazeera sans regarder autour de nous. C’est ici que le bât blesse.
Nous sommes victimes de la mauvaise politique audiovisuelle de nos gouvernants. Alors que des pays qui n’ont ni notre statut, ni nos moyens, ont mis en place une véritable stratégie avec bouquets numériques axés sur la promotion de leur image de marque, l’Algérie semble se satisfaire de sa chaîne UNIQUE ! Un programme de propagande gouvernementale comme il n’en existe plus à travers le monde, sauf à de rares exceptions staliniennes !
Les responsables de la télévision semblent fiers de leurs trois chaînes, mais ce sont eux-mêmes qui nous prouvent qu’il n’y en a qu’une ! Comment ? En proposant le même Journal télévisé et tant d’autres programmes simultanément sur les trois versions (Terrestre, Canal Algérie et la Troisième) ou en faisant de la multidiffusion ! On reparle de TNT ! Encore une affaire de sous !
Quant au contenu, il semble que l’on s’achemine vers la création de trois nouvelles chaînes : une en langue amazighe, la seconde pour les jeunes (bonjour, les «douktours» puisqu’elle s’appelle «Savoir») et la troisième spécialisée dans l’information économique et financière ! Ridicule quand on sait que la Bourse d’Alger sommeille et que la seule activité financière est celle animée par les trabendistes du dollar. Un journal sur le cours de l’euro au square Port-Saïd serait effectivement très instructif ! Pourtant, deux chaînes sont obligatoires dans ce panorama.
La première remplacerait cette ridicule Bizness TV et serait consacrée à l’information générale en continu. Comme El Ikhbaria saoudienne, la marocaine Médi Sat TV ou la libanaise ANB et d’autres encore qui naîtront bientôt dans chaque pays arabe, la chaîne d’info algérienne bénéficierait de la compétence et de la grande expérience de nos journalistes et consultants et offrirait aux Algériens une alternative aux manipulations émanant de certains canaux «frères» !
La seconde serait une chaîne sportive. Il y a de la matière. Il y a les moyens. Il y a les cerveaux. Il suffit de regarder nos émissions sportives ou de compter le nombre de journalistes sportifs «exilés» pour s’en convaincre ! Bon ! J’arrive à la conclusion. Oui, oui, patientez ; je dois répondre à la question posée au début de l’article. En ce qui me concerne, la meilleure invention est… la télécommande.
Hier, quand j’ai entendu parler d’une émission spéciale de HHC consacrée au bilan du président de la République en 2007, j’ai simplement pris ma télécommande et j’ai zappé vers nos voisins marocains où la chaîne sportive Erriadhia proposait un beau match. Nous sommes LIBRES de choisir ! Vive la télécommande !
Maâmar FARAH