La quadrature des options du pouvoir
Dans un pays normal, avec un peuple normal qui réfléchit normalement et avec une société qui n’a pas connu nos terribles traumatismes, cette pénurie cyclique du lait aurait définitivement condamné le régime et les gouvernants pour incompétence et pour désintérêt total et coupable à l’endroit des simples gens.
Car au fond on fait de la politique et on gouverne pour régler les problèmes des simples gens : la bourse misérable des étudiants, le non-pouvoir d’achat des retraités, un revenu minimum de la dignité pour les salariés, de l’espérance pour les jeunes et du travail pour tous, de la fierté nationale à réaliser par soi-même les grands et les petits projets au lieu d’importer toute cette main-d’œuvre étrangère hors les profils pointus, des moyens pour les universitaires et les chercheurs, un statut social gratifiant pour les enseignants, les médecins, les ingénieurs, etc.
Non seulement ce régime est incapable de réaliser ces tâches politiques, il est incapable de résoudre une simple question de calcul primaire pour verser aux fabricants de lait le différentiel entre leurs charges réelles et le prix de vente du sachet de lait. Mais faire de la politique, c’est d’abord cela. La coalition au pouvoir s’est occupée tous ces mois du bonheur personnel du président en le suppliant de se représenter et de changer la Constitution mais pas de régler cette petite question de calcul.
Les prix du lait, de l’huile, de la semoule, des légumes, des fruits flambent et le régime, au lieu d’administrer le pays, gère la carrière du président. C’est cela l’image saisissante du pays. Mais derrière cette incapacité du pouvoir à régler un petit problème surgit l’impossibilité de tenir le pari d’options politiques inconciliables : d’un côté l’option de l’économie de marché avec ses exigences d’ouverture totale et la franchise politique de dire aux travailleurs et aux pauvres que l’abondance a pour prix leurs privations et d’un autre côté une option de soutien des prix de deux produits seulement, le lait et le pain, que le pouvoir ne pourra maintenir avec son choix d’adhésion à l’OMC, et qui trahit la pensée profonde de ce régime à notre endroit !
Le pain et le lait doivent nous suffire ; bazaf ââlina ! Il faudra bien que le pouvoir se décide à assumer les conséquences de ses choix désastreux mais il va louvoyer tant que le pétrole cher lui fournira l’argent pour manœuvrer. Cette flambée des prix a déjà annulé la future augmentation des salaires prévue par la future grille des salaires que tous les syndicats autonomes rejettent. Ce pouvoir aura innové aussi par ce côté : annihiler à l’avance toute concession sur les salaires. Il fallait le faire.
MOHAMED BOUHAMIDI