Encore une visite pas comme les autres ?
Bouteflika et Sarkozy, avec leur étoffe d’hommes d’Etat, vont certainement délester Algériens et Français de la chape de préjugés, d’idées fixes et autres pesanteurs d’un autre temps qui plombent les relations entre les deux pays et les tirent vers le glacial à chaque fois qu’on les dit en voie de réchauffement.
Marre des interférences, marre de l’intrusion du pathos dans les rapports entre deux nations souveraines, marre de la nostalgie néo-coloniale de là-bas et de la rancœur pseudo patriotique d’ici, marre des étiquettes, des arrière-pensées, des querelles stériles et de la main mise du sentiment sur des rapports où ne devait prévaloir que l’intérêt des deux parties.
Tous les pays du monde qui ont été en conflit ont certes traîné des séquelles et des rancunes durant quelques années, le « vainqueur » bombant le torse et le « vaincu » ripostant sur le tard par des positions et même des mesures revanchardes, mais cela ne dure jamais plusieurs décennies, comme c’est le cas entre France et Algérie.
Place au réalisme, à l’objectivité et à la primauté du bénéfice réciproque sur les fausses victoires morales. Place, tout simplement, à ce qui devrait caractériser les relations économiques, politiques et culturelles entre deux Etats normalement constitués, à l’instar de tous les pays du monde qui laissent sur le bas côté les préjugés qui tétanisent et castrent toute volonté d’aller de l’avant. L’Algérie a besoin de la France pour se développer et la France a besoin de l’Algérie pour que la relance de sa croissance ne soit plus un slogan de programme électoral.
La France a grandement besoin de l’Algérie qui offre le cadre parfait pour la dynamique, au demeurant irrépressible, de la délocalisation, et qui se présente comme l’espace idoine pour la pulsion, au demeurant inéluctable, de l’investissement. Avec la franchise que tout le monde lui connaît, Sarkozy, à propos de ce volet des investissements, n’a pas omis de mettre l’accent sur la principale faille et obstacle, qui est le ,système bancaire, dont le président français ne dit pas, par diplomatie, qu’il est sclérosé, mais c’est tout comme.
L’entretien qu’il a donné à l’APS, tout en soustrayant à la presse des deux rives l’attrait du scoop, aura eu le mérite de couper court aux spéculations, les plus euphoriques comme les plus pessimistes. L’Algérie est le pays idéal pour les investisseurs français et les patrons qui veulent délocaliser pour un bouquet de raisons, qui vont de la proximité géographique à la maîtrise de la langue, ce qui n’est pas peu dire dans un univers de partenariat, en passant par la culture commune, fruit d’une histoire tourmentée, d’une grande complémentarité commerciale et énergétique, et surtout d’un élément que rien ne peut remplacer, qui est la parfaite connaissance mutuelle, chacune des deux parties connaissant de l’autre autant les vices que les vertus.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Sarkozy, qui n’a pas usé dans l’entretien le mot « concret » par effet de manche, a rappelé que les patrons français ont ficelé un livre blanc sur les entraves à l’investissement en Algérie. Le pragmatisme du président français, qui à plusieurs reprises, dans cet entretien, a fait référence à Bouteflika, ne le dispense pas d’opter pour des postures hautement symboliques, comme le discours qu’il va prononcer à Constantine.
Le choix du lieu n’est pas fortuit, autant que l’espace, à savoir l’université, comme pour rappeler la place stratégique de la formation dans cette résurrection relationnelle entre les deux pays, ainsi que la dimension humaine. Si on ne veut pas s’éloigner du concret et du pragmatisme, la dimension humaine se résume aux échanges, c’est-à-dire à la circulation des personnes, qui à son tour se comprime dans un mot : visa. C’est là, peut-être, que se cristallise l’essence des relations entre l es deux pays et dans ce document de liberté ou de privation de séjourner, que se lovent les grands sentiments de respect de la France envers les Algériens. Pour le moment, force est de parler plutôt de mépris…
Nadjib Stambouli