Jeu cousu

C’est à la faveur de la campagne électorale que les partis d’opposition comme le RCD ou le FFS ont retrouvé la parole sur le petit écran national. C’est la démocratie à l’algérienne.

Un parti qui s’oppose au pouvoir en place n’a le droit d’exprimer ses opinions à la télévision que quand il y a un scrutin en vue. Après il retombe fatalement aux oubliettes. Figurant simplement dans le listing des invités—toutes tendances idéologiques confondues— devant meubler les programmes horaires consacrés aux élections,tout le monde aura compris, cependant, que le passage de ces partis d’opposition est considéré plus comme alibi pour conforter l’idée d’une liberté d’expression ouverte à tous les courants politiques agrées chez nous que comme une réelle ouverture démocratique qui est pourtant consignée dans la constitution.

Pour bien montrer le décalage qui existe entre les intentions de façade et la réalité,le représentant du FFS a déclaré que son parti (et il est loin d’être le seul dans ce cas) n’a pas mis les pieds dans un plateau de l’Unique depuis cinq années, alors que les responsables des partis pro-gouvernement y défilent pour le plus banal des évènements. On voit bien la discrimination flagrante qui est appliquée par la télévision nationale pour préserver le discours dominant de toute velléité de contradiction.

Oui pour le multipartisme mais à condition que les commandes dans les principales institutions échoient aux FLN et au RND. D’ailleurs, ces deux partis incarnés par leurs leaders Belkhadem et Ouyahia ont eu un “traitement” médiatique sur le petit écran différent de tous les autres concurrents engagés pourtant dans la même bataille électorale.

En effet, si ces derniers ont eu à exprimer leurs points de vue, dans l’émission-débat consacrée à cette campagne, avec la correspondante du quotidien d’Oran, Ghania Oukazi, rappelée pour la circonstance pour certainement donner un peu de relief à l’événement, l’actuel et l’ancien chef du gouvernement ont eu droit,eux, à un autre interviewer, en l’occurrence le directeur du journal El Djazair News, H’mida Layachi qui s’est retrouvé là presque comme super-journaliste qui convenait le mieux à la pointure de ses clients.

Avions-nous eu pour autant des débats plus animés, plus “chauds”, plus élevés ? Autrement dit, Layachi a-t-il été plus performant que Oukazi dans cette tâche ingrate qui consiste à faire parler des responsables politiques n’ayant pratiquement rien d’intéressant ni de nouveau à dire au public ?

Ce serait faire preuve de subjectivisme si on venait à entrer dans ce jeu malsain de la comparaison, alors qu’au fond les deux “grosses cylindrées” en question , en essayant subtilement de sortir du lot, se sont davantage enfoncées en persistant dans l’argumentation langue de bois que les algériens ont fini par connaître sous toutes les coutures.

Quand Ouyahia affirme ouvertement, avec une fierté non dissimulée, qu’il est dans les rangs du pouvoir, que reste-t-il du débat ? Il s’exprimait ainsi avec l’assurance d’un parti qui n’a rien à craindre de ces élections à partir du moment où il s’autoproclame grand, populaire,et en mesure de résoudre les problèmes des citoyens. C’est que l’homme qualifié par les gens de la presse “d’animal politique”a des réponses à tout.

Jamais pris à défaut, il a l’art de policer les situations les plus compromettantes, même si souvent on se surprend à rigoler de ses raisonnements qui sont à des années lumière de la réalité sociale et économique que vivent les algériens. La politique étant l’art du possible, Ouyahia s’en donne à cœur joie de démontrer que son parti a réalisé d’excellentes choses et est disposé encore à faire plus si les urnes le donnent vainqueur.

Il oublie pourtant qu’avec un parti majoritaire à l’assemblée nationale et lui à la tête de l’exécutif, le sort des communes n’a pas tellement évolué. Idem pour Belkhadem qui aime trop philosopher sur la constance du FLN alors les dégradations de toutes sortes s’accumulent sur le pays. Lui aussi trouve les mots pour arrondir les angles, mais c’est au journaliste qu’il faut faire le reproche de ne pas avoir eu suffisamment de culot pour le mettre réellement en difficulté devant les téléspectateurs.

Ni Ouyahia ni Belkhadem n’ont été vraiment bousculés dans cette émission qui méritait une plus grande pertinence dans la manière de diriger le débat connaissant par ailleurs la liberté de ton qui caractérise H’mida Layachi. Résultat : les deux invités de marque s’en sont sortis sans égratignures alors que leurs partis n’ont pas la cote populaire qu’ils prétendent avoir.

C’est à se demander si cette émission a servi à les conforter dans leurs illusions, voire dans leur assurance que de toute façon ils ne risquent pas de connaître de mauvaises surprises quant aux résultats du scrutin. Remarque, Oukazi n’a pas fait mieux en nous conviant à des interviews très “académiques” qui ne nous ont pas appris grand-chose sur ce que l’on sait déjà sur les capacités et les intentions des partis lancés à la conquête des APC et des APW.

A la limite, on pourrait dire que les deux interlocuteurs qui ont été les plus “malmenés” ont été ceux du FFS et du RCD. Comme par hasard ! Avaient-ils le verbe moins domestiqué que les autres ? Sûrement… mais là aussi à quoi sert de dire les vérités quand le jeu semble déjà cousu ?

A. Merad

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