Bricolage et chicanes
Finalement, le commentaire induit par la lézarde d’un pont sur la route Aïn Bénian-Staoueli n’avait pas lieu d’être (voir Chronique d’hier). L’ouvrage avait été “réalisé dans l’urgence, après les inondations de 2001 et avait une durée de vie de cinq à six ans”. C’est ce qu’a déclaré un représentant de la Direction des travaux publics de la wilaya d’Alger.
Ainsi donc, la détérioration du “nouveau pont” de la Nationale 11 était exacte au rendez-vous. Une question subsiste alors : pourquoi ne l’a-t-on pas fermé au bout de six ans, c’est-à-dire juste avant les dernières et fatales inondations ? On peut aussi se demander pourquoi rien n’a été prévu pour 2007, si le pont construit en 2001 devait être mis hors service au bout de six ans ? Le temps de vie d’un pont dentaire, souvent appelé bridge par les dentistes. Et même celui-là peut durer, dit-on, de cinq à vingt ans, avec une bonne hygiène buccale.
Ou le temps d’un mandat ! Un wali, un député, un maire, un ministre ou même un Président peut durer dans sa fonction plus longtemps qu’un pont qu’il aurait fait bâtir !
Il n’y a pas de raison de douter du bien-fondé d’une explication donnée par un responsable, mais il nous reste la possibilité de nous étonner d’une révélation qui nous dépite comme on attend de nous de nous émerveiller d’une nouvelle qui nous comble.
On sait, par quelques manuels, que la durée moyenne des ouvrages d’art est de cent ans, si tant est que le pont qui nous concerne fait partie de cette catégorie de travaux. Et que, dans 35% des cas, les problèmes apparaissent entre… la quatrième et la vingtième années de leur existence. Auquel cas, il faut intervenir pour réparer, entretenir ou restaurer.
Comble de paradoxe, dans un pays où il est établi que rien ne dure plus que le provisoire, ce pauvre pont de la RN11 joue à l’exception qui confirme la règle. Car, même en matière de ponts, il y en a un, si nos souvenirs sont bons, qui fut officiellement déclaré provisoire, dès sa construction, et qui dure: celui du rond-point de Cinq-Maisons. Quelque trente ans après, il est toujours là, laid, arqué mais gaillard. Par contre, celui qui reliait l’avenue de l’ALN au Ruisseau, bétonné et d’allure solide, a été rapidement fermé, puis reconstruit, sans autre explication.
À force d’argumentations scolaires, on a fini par nous convaincre que les explications sont rarement les raisons.
Ainsi, les éclaircissements de Madame Mentouri sur la soudaine volte-face au sujet de la privatisation du CPA nous surprend. Sans être expert, on se demande comment, dans pareille opération, peut-on craindre la modestie avant d’ouvrir les plis ? Et cette crainte survient la veille de l’ouverture des plis, alors que la lointaine crise des “subprimes” qui la motiverait date de plusieurs mois.
Pourquoi n’avoir pas prévu un niveau d’offres plancher pour éviter le risque en question ? D’autant que l’opération a, croyions-nous, une finalité plus technologique et managériale que financière et concerne une banque dans laquelle l’État demeure majoritaire.
À vouloir nous rassurer sur la fatalité des catastrophes et des contretemps, on nous intrigue encore plus. Le huis clos autoritaire est préférable à l’infantilisante argutie.
Mustapha Hammouche