Les doutes électoraux
Les signes d’une peur administrative de l’abstention se multiplient : sermons du vendredi sur le caractère licite du vote, appels croissants à une participation massive, bruits de fraude généralisée rapportés par les partis de l’opposition, cas avérés de manipulation des listes et des cartes électorales, fièvres perceptibles sur le terrain. Cette peur de l’abstention est quand même curieuse chez un pouvoir qui gère l’opinion publique (si tant est qu’elle existe dans notre pays et au regard des standards internationaux) par le mépris et les urnes par le bourrage.
Cette présomption de fraude ne doit pas être une accusation gratuite des partis de l’opposition. Ils ont suffisamment de structures et de militants sur le terrain pour rassembler des faits, des indications et enregistrer des signaux significatifs. FFS, RCD, FNA ne peuvent converger sur une telle appréciation sans disposer de preuves suffisantes. Mais les faits et les indications du terrain ne sont pas les seuls à conforter une telle crainte.
En adoptant la loi sur les élections pour frapper l’opposition sérieuse, le pouvoir a, en quelque sorte, assaini le paysage politique de cette multitude de partis réactivés la veille des élections, réserve inépuisable de tous les soutiens possibles et imaginables au président en toutes circonstances y compris quand il s’agit de voter le programme du gouvernement qui incluait cette fameuse révision de la loi électorale qui leur a tordu le cou.
La bouffonnerie de ces partis en moins, ces élections locales mettent en prise directe et sans parasitage les partis au pouvoir et les partis de l’opposition que l’on peut considérer comme sérieuse. Des succès électoraux même modestes du RCD, du FFS ou du FNA contribueront à aggraver le discrédit des partis de la coalition présidentielle. Et directement au profit de ces leaders intransigeants que sont Sadi, Aït Ahmed ou Touati. Pour se tirer de ce dilemme, le pouvoir n’a plus que le bourrage.
Il doit absolument éviter une nouvelle abstention record. Et dans le cas de cette abstention record, coalition présidentielle et opposition se retrouveront avec, dans les urnes, les bulletins de leurs sympathisants les plus motivés ; une sorte de tableau du rapport de force qui confirmera les résultats des législatives : la coalition présidentielle ne représente que 13% du corps électoral. Quel paradoxe !
Les Algériens auront raison de ne pas voter pour infliger un nouveau désaveu au pouvoir et les partis de l’opposition ont raison de s’être lancés dans la bataille électorale pour défendre leurs idées, leurs programmes et arracher le maximum de mairies au pouvoir. Paradoxe qui donne le pouvoir perdant à tous les coups s’il respecte la transparence et la vérité des suffrages. Comment, alors, ne pas prendre au sérieux les craintes de fraude de l’opposition ?
MOHAMED BOUHAMIDI