Emulation ou contagion ?

Ce n’est pas verser dans l’auto flagellation ou le reniement patriotique que d’affirmer, à voir les trajets des deux grèves des cheminots sur nos rails et sur ceux de France, que ce n’est pas une mer qui nous sépare de ce pays, mais tout un océan culturel, sur le volet revendicatif. Sarkozy a d’ailleurs, sans le citer, repris une déclaration toute simple du leader communiste Thorez, formule qui, depuis, a fait florès dans le mouvement ouvrier, «il faut savoir arrêter une grève».

En fait, les grévistes n’ont pas attendu que soit réactivée cette phrase évidente mais qui vaut son pesant de lucidité, pour envisager l’arrêt du débrayage, mais s’en sont tenus à leur idée de départ, l’ouverture des négociations, sur leur problème particulier, qui ne nous intéresse pas ici, contrairement aux méthodes de lutte. Celles-ci commencent par l’élaboration d’une plateforme de revendications, d’un échéancier, d’un préavis, et de tout un programme d’AG quotidiennes par les bases syndicales des différentes fédérations, sur la reconduction ou pas du mouvement.

Dès le premier jour, le bras de fer a été engagé entre le pouvoir et les syndicats, chacun campant sur ses positions, mais de façon à converger vers la table des négociations, et ce qui devait arriver a fini par arriver. Les premiers à affirmer que le mot d’ordre de grève ne se lance pas de gaieté de cœur, au moins pour éviter les désagréments aux usagers « pris en otages », selon l’expression consacrée, sont les responsables syndicaux, autrement dit les « meneurs ».

Lancer, suivre et surtout être en capacité d’encadrer une grève relève donc d’une responsabilité très grande, pour ne pas dire très grave, au vu des impacts non seulement directs sur les usagers, mais aussi, le plus souvent, sur le volet des pertes financières. Passons maintenant chez nous.

Sur ces mêmes colonnes, a été relevé le caractère légitime des revendications des cheminots en arrêt de travail depuis quelques jours à travers le territoire national, tout comme a été attirée l’attention sur un mouvement de grève qui assume qu’il n’a aucun syndicat derrière lui, donc, pour la SNTF, pas de partenaire social pour éventuellement dialoguer et, pourquoi pas, satisfaire les revendications.

Mais le vrai problème, avec ce genre de grève plus ou moins spontanée, c’est l’absence d’encadrement. A moins de tomber dans le populisme et l’ouvriérisme primaires, une foule de travailleurs qui entament une action, livrée à elle-même, peut au mieux se faire remarquer et attirer l’attention sur ses conditions de travail, au pire aboutir à de sérieux débordements et un conflit incontrôlable, avec émeutes, heurts et tutti quanti, et entre les deux, susciter une contagion (ou émulation, c’est selon) pour reproduire chez les camarades d’à côté une grève similaire, c’est-à-dire tout aussi mal encadrée.

Et c’est ce qui est arrivé chez nous, puisque le personnel des gares a fini par rejoindre le mouvement. Faut-il en vouloir à un travailleur de se mettre en grève pour arracher ses droits ? Jamais, pour peu qu’il ait épuisé toutes les possibilités d’avoir les acquis revendiqués. Quoi qu’il en soit, les travailleurs ne prennent des initiatives plus ou moins extrêmes que si la structure syndicale censée répercuter leurs revendications et les représenter, n’est pas…représentative.

En attendant de le savoir, une grève est en train de grever le reliquat de crédibilité de tout un secteur, employeur, employé et surtout représentants des employés. Si ces représentants des travailleurs ont été associés à cette grève anarchique, c’est grave. S’ils n’ont pas été associés, donc s’ils ont été débordés par une base qui ne se sent pas écoutée, c’est tout aussi grave.

Nadjib Stambouli

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