L’impasse de la rente
Les “Débats d’El Watan” de jeudi dernier à l’hôtel Essafir ont porté sur le thème significatif “pays riche, peuple pauvre”. Le paradoxe, intuitivement observable, et rappelé dans l’intitulé du rendez-vous se confirme dans le constat, au demeurant mille fois renouvelé : l’Algérie ne se développe pas, malgré — ou à cause de — l’argent du pétrole.
Des hommes politiques, doués de compétences économiques, le rappellent, une fois de plus, après toutes les études des organismes internationaux.
D’ailleurs, le pouvoir fait sien l’état des lieux économique et social. Le Président lui-même prend parfois à partie ses ministres sur les retards et le défaut de pertinence de certains investissements, dénonce l’indolence, l’incompétence et la corruption. Campagne électorale oblige, Belkhadem, Chef du gouvernement, et Ouyahia, son prédécesseur, partagent avec tous les détracteurs du régime et tous les analystes le diagnostic sur la panne de développement, le désastre social, le détournement rentier des ressources nationales et la corruption.
Les discussions de personnalités, qui viennent enrichir le peu de vie intellectuelle du pays, se superposent aux discours des politiciens qui animent le semblant de vie politique. Les candidats de la continuité sont du même avis que les tenants du changement. Le consensus sur le constat se prolonge par un consensus sur l’attitude : appeler au changement et souffrir la continuité.
Cela même le peuple le fait, d’ailleurs : à part quelques mouvements de revendications catégoriels et passagers, il ne fait rien. Même pas voter. L’impasse semble s’être imposée comme une fatalité nationale, réconciliant l’expectative des mécontents et l’immobilisme des contents.
La rente a cessé d’être une réalité économique ; elle est désormais un mode de vie d’où découlent des comportements individuels et collectifs comparables. Chacun et chaque catégorie n’envisagent que ce qu’il peut glaner ici et maintenant : le commerçant, une opération d’import ; le fonctionnaire, une augmentation ; le politique, un siège…Et à l’avenant.
De grandes banques étrangères sont accueillies, apparemment juste pour se prévaloir de leur présence, s’occupent de nous prêter de quoi acheter la voiture ou la télévision et pour les aider dans cet affairisme de quartier, on a même interdit à la Cnep de les concurrencer.
Pendant qu’on martèle le constat, les choses se poursuivent à l’identique : au même moment, l’Assemblée vote une loi de finances basée sur pareils postulats et intentions que les précédentes. Jusque dans le prix de référence de dix-neuf dollars le baril de pétrole.
Le peuple, convaincu de son impuissance, est plongé dans sa nuit de doute : il suit le cours du brut et se demande ce qui peut en tomber dans son escarcelle.
En rappelant que la solution ne peut pas venir de l’intérieur du régime, Benbitour pensait peut-être au système qui peut organiser l’alternance de régimes, mais qui ne peut pas concevoir sa propre alternative. Même Ouyahia le concède quand il affirme qu’“il ne suffit pas de changer les hommes”.
Après tout ! Pourquoi changer les hommes si l’on ne peut changer de système ? Allons-y pour un autre tour ! Un autre mandat.
Mustapha Hammouche