Traitement radical
Seuls des experts en pessimisme et des tenants invétérés du nihilisme peuvent se réjouir du manque d’intérêt des citoyens à l’endroit de la campagne électorale en cours, mais il faut dire qu’ils ne cherchent pas hors de la vérité les motifs de satisfaction. Hormis les meetings animés par les leaders de partis, qui parviennent à drainer un public qui vient voir des personnalités d’habitude, c’est-à-dire hors de la raison électorale, peu enclines au contact de proximité et au côtoiement de la plèbe, la campagne se déroule en sourdine, en catimini, comme si les candidats craignaient, par leur discrétion, de trahir à l’avance les promesses qu’ils vont « proférer ».
La première idée qui vient à l’esprit, en voyant les bureaux électoraux disséminés un peu partout dans les quartiers, désertés par les militants, et les candidats eux-mêmes traîner la patte, est : « si les premiers concernés n’y croient pas, comment le citoyen électeur va-t-il y croire ? ».
En fait, nombreux sont les travers, ceux de la superficialité en l’occurrence, qui font office actuellement d’explication à l’abstention, qu’on appellerait le syndrome du 17 mai (participation infime au scrutin des législatives). Et tout aussi superficiels ont été les remèdes que les pouvoirs publics ont tenté d’administrer à cette désaffection du civisme, mais cette médication ne pourrait avoir d’autre efficacité que celle d’un cautère sur une jambe de bois. Le traitement d’une perte de crédibilité politique ne saurait être que de nature politique.
Le mal est beaucoup plus profond qu’une simple bouderie ou un dédain passager émanant des citoyens et éclaboussant les pouvoirs publics, les partis et la classe politique dans son ensemble. Le citoyen a détourné son regard de l’urne parce qu’il ne croit pas en les assemblées qu’il élit, et seule la tendance à chercher midi à quatorze heures détourne l’analyste de cette évidence.
D’abord, toutes les assemblées, sans exception, arrivent et ressortent de leur mandat comme d’un moulin, sans bilan, sans rendre des comptes à l’électeur, sans se soumettre à la déclaration de fortune au départ et surtout à la fin, sans auto critique (ou même autoglorification éventuelle, si ce n’est dans la campagne suivante par laquelle le maire veut se faire réélire), en un mot en toute impunité. Mais, à bien regarder, la question n’est-elle que morale et affaire d’intégrité des élus ?
Cette approche n’est qu’en partie plausible, avec un défaut majeur, celui de généraliser un constat pas très flatteur pour l’honnêteté de l’ensemble des élus, la malversation n’étant bien sûr pas un vice partagé par la totalité de ces mêmes élus. N’y a-t-il pas également des considérations de textes, le code communal, selon toutes les opinions, sans exception, étant obsolète et totalement dépassé, ou de latitude de manœuvre, nombre d’élus se plaignant d’être ligotés par la non possibilité de faire fructifier leurs propres recettes fiscales, et de ne pouvoir mettre en route le moindre projet sans l’aval moral et surtout financier de la wilaya, du ministère ou que sait on encore ?
D’ailleurs, des voix se font de plus en plus nombreuses, émanant de Zerhouni, des partis de l’Alliance comme de ceux de l’opposition, à revendiquer une refonte des textes fondamentaux, pour qu’ils aillent dans un sens de plus d’autonomie locale et pourquoi pas régionale. Sans ce traitement de fond et radical, on restera longtemps à spéculer sur les tenants et aboutissants de l’abstention, à faire des pronostics sur des taux plus élevés de participation, et à administrer à un problème politique de crédibilité politique, des recettes de grand’mère à base de poudre de perlimpinpin…
Nadjib Stambouli