L’économie algérienne vue par le Forum économique de Davos
Un classement des économies mondiales est toujours contestable au moins du point de vue de la méthodologie mise en œuvre pour réaliser le travail : exploitation des statistiques disponibles (mais alors se pose le problème de l’homogénéité des méthodes d’évaluation statistique propre à chaque pays), sondage auprès des ménages ou des chefs d’entreprise et autres hommes d’affaires (mais alors peut se poser le problème de la sincérité des réponses fournies selon le pays).
Évaluation du «doing business » (climat des affaires) dans chaque pays, mais là aussi quelle crédibilité accorder aux indicateurs fournis par des pays dont l’appareil statistique est embryonnaire… Bref, un travail benchmarking peut toujours être sujet à débat pour ne pas dire à contestation. Mais, un tel travail reste toujours utile ne serait-ce que par les repères qu’il donne et les positionnements qu’il permet sur le nuage de points représentant les différentes économies mondiales.
Le Forum économique de Davos réunit incontestablement d’éminents économistes, très compétents dans leurs domaines respectifs même s’ils appartiennent, pour la plupart d’entre eux, à des écoles de la pensée dominante, néo-classique, libérale et loin d’être socialement neutre. Ce forum vient de rendre public son rapport annuel 2007 sur la compétitivité économique dans le monde, résultat d’une enquête-étude réalisée auprès de 136 pays et fondée sur les sondages auprès de quelque 11 000 hommes d’affaires pour 80% et d’exploitation de données statistiques nationales pour 20%.
Le travail, pour contestable qu’il puisse être (et il y a toujours à dire sur les méthodologies adoptées pour ce genre d’études) reste tout de même le fait d’économistes sérieux. Que nous apprend le rapport 2007 sur l’économie algérienne, sa compétitivité et son attractivité. Tout d’abord qu’elle est classée à la 81e place.
Compétitivité des économies
Classement 2007
Tunisie
32e
Maroc
64e
Egypte
77e
Algérie
81e
Libye
88e
Mauritanie
125e
Dans les domaines éducation/ formation et recherche/innovation, les scores obtenus nous situent dans la seconde moitié du tableau
Education primaire
67e
Enseignement supérieur-formation
94e
innovation
89e
Disponibilité technologie
105e
Quand on sait que c’est précisément dans ces domaines que se joue, et de plus en plus, la force d’une économie on mesure le retard accumulé et l’urgence de son rattrapage. La seconde observation intéressante à retenir de ce classement est la place qu’occupe notre pays en matière d’économie de marché installée et fonctionnant efficacement. Dans le domaine du marché des biens (efficacité de fonctionnement) nous sommes classés à la 92e place, le marché du travail à la 124e place et le marché financier à la 124e place.
Qui a dit que l’économie algérienne est une économie de marché ?! Il faut, par contre, souligner qu’en matière de taille du marché intérieur, nous sommes classés à la 42e place, ce qui explique l’intérêt qu’accordent de plus en plus les entreprises étrangères au marché algérien. Dans le domaine des «facteurs coopérants» pour l’entreprise ou, ce que les ménages algériens préfèrent appeler «l’environnement de l’entreprise», notre économie est classée à la 97e place et cet environnement semble se détériorer d’année en année puisque nous étions classés 80es en 2004, 82es en 2005 et 83es en 2006.
Dans le domaine des institutions, c’est-à-dire non seulement les lois et règlements mais aussi les comportements, les rapports de confiance…, l’économie algérienne est classée à la 64e place (on pourrait dire qu’ici aussi le classement n’est pas favorable mais… les «choses semblent s’améliorer». Dans le domaine des infrastructures, et en attendant les retombées du gigantesque programme d’équipement du pays en pleine réalisation, nous sommes classés à la 82e place.
Ici aussi nul doute que nous allons améliorer notre classement. Une satisfaction tout de même mais peut-on en être fiers quand on sait qu’elle nous provient, pour l’essentiel, des hydrocarbures : dans le domaine des équilibres macro-économiques (finances publiques, endettement extérieur, masse monétaire, inflation, équilibre de la balance des paiements…) nous sommes classés 2es (après le Koweït). Au-delà de savoir si ce classement est juste ou pas (les USA sont classés 1ers et la Suisse 2e…), son intérêt réside dans les clignotants qu’il allume en direction des économies qui sont à la traîne.
Et la nôtre fait partie de ce peloton même s’il y en a encore une bonne cinquantaine derrière elle. Ce classement nous indique ainsi ce que nous avons encore à faire pour améliorer la compétitivité et l’attractivité de notre économie. En tout premier lieu, nous devons améliorer nos bases de données statistiques. Nous n’insisterons jamais assez sur l’impérieuse urgence de réaliser un recensement économique qui nous permettra d’actualiser nos banques de données et de renouer avec nos travaux de comptabilité nationale (le dernier recensement économique fait par notre pays remonte à 1975 !)
Et quel meilleur moment de le faire que cette magnifique opportunité que nous offre le RGPH que l’on doit lancer dans les prochaines semaines ? Y adjoindre un recensement économique serait bienvenu et ferait certainement la joie de nos statisticiens, de nos chercheurs et de tous ceux qui gèrent la décision économique. Il est grand temps de lancer enfin un réseau de grandes écoles d’ingénieurs en diverses disciplines, de formation de commerciaux de haut niveau et de gestionnaires… Il est utile de rappeler ici que le président Bouteflika a déjà appelé au lancement de ces écoles.
A-t-il été seulement entendu pour ne pas dire écouté ? La recherche-innovation doit être relancée par la loi, c’est-à-dire par l’obligation de faire, obligeant certaines entreprises de notre Top 50 à s’allier aux universités pour stimuler la recherche-innovation sur un certain nombre de programmes préalablement définis en commun. Ces trois actions, et il y en a bien sûr d’autres, que nous venons de mentionner comme prioritaires sont évidemment largement à la portée de notre pays. Elles sont concrètes, elles sont faisables immédiatement. Mais pourquoi donc ne les fait-on pas ?!
Abdelmadjid Bouzidi