Nous les Africains
Si Bouteflika, plutôt connu pour placer l’intérêt de son propre pays au-dessus de toute autre considération, tient tant et s’investit avec une telle persévérance dans les “affaires” de l’Afrique, ce n’est certainement pas par romantisme révolutionnaire ou autre reliquat d’attachement au slogan “Algérie, Mecque des combattants pour la liberté”, mais bien parce qu’il perçoit avec pertinence ce que d’autres chefs d’Etat ne décèlent pas, à savoir la communauté de destin entre la nation stricto sensu et le continent.
Unis (ou divisés) pour le meilleur et pour le pire, est une réalité géopolitique qui dépasse et transcende les volontés des pays africains pris séparément, et le voudraient-ils, qu’ils ne pourraient jamais s’extirper de cet impact permanent entre voisins, même lointains, impact qui tantôt éclabousse par le mal et le drame, tantôt honore par le partage des bonnes nouvelles, il est vrai plutôt rares.
Plombées par le ronronnement stéréotypé des discours et couvertures effectuées par les médias africains, notamment les télés, uniques dans la plupart des cas, les nouvelles de l’Afrique ne donnent aucun contenu concret à des notions, qui sont en réalité des dynamiques de grande envergure, comme le Nepad, la bonne gouvernance ou le contrôle par les pairs, et autres concepts malheureusement devenus slogans creux aux yeux des citoyens.
Assumer son africanité, pour l’Algérien, c’est partager un rêve commun d’unité, dont les jalons ont été placés par les N’krumah, Lumumba, Nasser, Touré et autre Boumediene, ainsi qu’une riche culture collective, faite de griots, d’un prodigieux héritage oral, des chanteurs Youssou N’dour, Makéba ou Oum Kelthoum, mais aussi de littérature moderne avec les Nobel Soyinka et Naguib Mahfoudh, entre autres des scientifiques universels tels Cheikh Anta Diop, outre un très vaste éventail de richesses dans les domaines les plus variés.
Mais ce partage ne saurait se suffire de l’exaltation du passé ou des louanges des talents multiples, mais se dirige aujourd’hui vers l’avenir, où l’on verra l’utopie se muer en réalité, celle de voir les fabuleuse richesses minières enrichir les enfants de l’Afrique et non pas aller conforter les portefeuilles des grandes places boursières occidentales. L’avenir se construit pas à pas et sans tambour ni trompette, par des accords bilatéraux qui laissent dès aujourd’hui entrevoir une Afrique développée, forte, puissante-même et tirée vers le progrès par les têtes de pont de la croissance que sont l’Algérie et l’Afrique du Sud.
Ce sera une Afrique qui ne sera plus synonyme de misère, de famine, de sida, de guerres et massacres ethniques, d’épidémies, de mendicité, de prostitution, de drogue, de délinquance, de piraterie, le tout aggravé par le fléau le mieux partagé par nombre de dirigeants véreux, la corruption, qui sert notamment à se partager l’aide internationale.
C’est contre ce genre de dérives que l’actuelle rencontre se déroule à Alger, en présence du président allemand. Il est permis, pour nous qui oublions que nous sommes Africains, de rêver d’une Afrique à laquelle nous appartenons et qui nous appartienne, et qui puisse confiner ses dérives à la seule dérive des continents, mais sur le seul plan géologique.
Nadjib Stambouli