90 DOLLARS LE BARIL ? NON ! 19 DOLLARS !

Le baril de Brent a beau dépasser les 90 dollars sur le marché de Londres, il vaut toujours chez nous 19 dollars ! La loi de finances pour 2008 prévoit un déficit budgétaire de 1 800 milliards de dinars alors que le Fonds de régulation des recettes a atteint 3 500 milliards de dinars à septembre 2007 ! Les députés algériens en perdent leur… latin.

Et il n’y a pas que les députés. Le président de la République a décidé un plan de relance financé par la dépense publique qui se situe bien au-delà d’un prix de 19 dollars le baril. Le problème n’est pas celui du plan de relance, nécessaire et largement justifié, mais bien celui de la loi de finances à 19 dollars le baril et qui, forcément, affiche un déficit du budget de l’Etat abyssal. Alors pourquoi toute cette gymnastique à laquelle les Algériens ne comprennent pas grand-chose ? Nos financiers officiels nous expliquent qu’en réalité, les députés, en votant la loi de finances avec un déficit de 1 800 milliards de dinars, ont en fait voté un baril à 70 dollars.

Ce raisonnement ne tient pas la route car, en finances publiques, le Parlement vote des recettes et des dépenses. Les recettes votées l’ont été sur la base d’un baril à 19 dollars, et c’est tout. Il est vrai qu’en adoptant la loi de finance, s’ils ont autorisé un déficit budgétaire de 1 800 milliards de dinars et donc un gonflement de la dette publique qui va être remboursée en partie par le recours du gouvernement au Fonds de régulation des recettes, le problème est que le Fonds échappe au contrôle des députés. Il y a là, à l’évidence, une entorse aux règles des finances publiques qui reposent sur la transparence et le respect strict de ce que les spécialistes appellent le principe de l’universalité qui exige que dans l’acte d’adoption de la loi de finances, les représentants du peuple (les députés) votent l’intégralité des dépenses et, plus important encore, dans notre cas, l’intégralité des recettes.

En d’autres termes, l’anomalie de nos lois de finances de ces dernières années réside dans le fait que la gestion du Fonds de régulation des recettes qui grossit d’année en année, échappe aux représentants du peuple. Une grande partie des recettes de l’Etat, la plus grande partie, n’est pas contrôlée par les députés. Comment est géré ce Fonds, c’est-à-dire une grande partie des recettes de l’Etat ? Qui assure le suivi des mouvements de fonds de ce Fonds ? Quelles sont les destinations des ressources engrangées et qui les décide ? La question est d’autant plus sensible qu’il n’y a pas chez nous de loi de programme, c’est-à-dire cette loi qui a pour objet de constater et de contrôler l’application qui est faite de la loi de finances.

Les députés auraient eu alors la possibilité d’interpeller le gouvernement sur la manière dont a été exécutée la loi de finances qu’il a autorisée l’année précédente et donc de suivre l’évolution de la dette publique et la gestion du Fonds de régulation des recettes. Ce système de Fonds de régulation des recettes, faut-il le rappeler, n’est pas une trouvaille algérienne comme ont tenté de nous le faire accroire ceux qui étaient en charge des finances et de l’économie au moment de son institution. Le premier Fonds de régulation des recettes remonte aux années 1960 : les exportations de matières premières, dont la volatilité des prix est connue, ont institué, sur recommandations du FMI et de la Banque mondiale, des “tirelires” dans lesquelles ils engrangeaient les excédents financiers amassés lorsque les marchés mondiaux leur étaient favorables.

Dans la cas de notre pays, lorsque la différence de prix entre ceux du marché mondial et ceux des lois de finances est de 6 à 7 dollars par baril de brut, la démarche du Fonds de régulation des recettes est acceptable et justifiée. Mais lorsque la différence des prix est de 400%, comme c’est le cas aujourd’hui, l’essentiel des recettes de l’Etat échappent au contrôle des représentants du peuple !! Dans le système algérien des finances publiques, plus de 60% du déficit budgétaire est financé par le recours à l’endettement alors que le Fonds de régulation augmente. Ainsi, au lieu de payer cash ses dépenses publiques, l’Etat préfère recourir à l’endettement.

Le gouvernement nous dit qu’il s’agit là d’une démarche empreinte de prudence : il préfère payer des intérêts sur une dette publique à rembourser plus tard (en tout cas dont le remboursement est étalé dans le temps) que d’engager toutes les recettes réalisées. Nous nous trouvons alors dans une situation au comble du paradoxe, d’un Etat riche qui préfère s’endetter pour payer ses dépenses. Le gouvernement se donne ainsi une marge de manœuvre et du temps pour rembourser graduellement sa dette sans hypothéquer les possibilités financières du pays, bien utiles en cas de retournement défavorable du marché pétrolier mondial.

Tout cela est parfaitement acceptable sauf que les dépenses publiques ont explosé, obligeant le gouvernement à puiser dans le Fonds de régulation, ne pouvant mobiliser ailleurs, sur le marché financier par exemple (inexistant chez nous) l’argent nécessaire, c’est-à-dire, l’épargne des entreprises financières et non financières et celles de ménages (emprunts obligataires par exemple). Ainsi, les députés votent des dépenses mais ne votent pas les recettes correspondantes, laissant filer le déficit budgétaire et laissant le gouvernement le financer comme il l’entend !!

En recourant au financement du Trésor auprès de la Banque centrale, en puisant dans le Fonds de régulation alors même qu’une épargne publique et privée considérable ne demande qu’à être mobilisée. Où est le marché financier ? Qu’est devenue la Bourse ? Où sont passés les emprunts obligataires… Bref, que font nos argentiers ?!

Abdelmadjid Bouzidi

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