Démarche immuable, tragédie sans fin

Le Président vient de le rappeler : “Seul le choix de la réconciliation nationale est la voie à suivre.” Pour justifier sa persévérance, le Président énumère les bienfaits de sa stratégie. Lui-même objet d’un récent attentat, il proclame que la réconciliation nationale “a permis au pays de renouer avec la paix et la stabilité”.

Malgré la panne économique avérée, il trouve que la réconciliation a permis aussi au pays de “se lancer dans le processus de développement global dans tous les domaines, tout comme elle a offert des opportunités de drainer les investissements étrangers”. Malgré la pénurie de l’emploi, la crise du logement, l’insécurité, les harragas et le taux anormal de suicides, la réconciliation aurait enfin permis “d’assurer une vie meilleure pour tous les Algériens”.

Aucun doute ne vient donc perturber la “position immuable” que “notre peuple a adoptée”. Il est donc improbable qu’elle doive son statut de doctrine d’État à ses effets escomptés ou advenus. En huit ans d’impunité, l’islamiste belliqueux ne s’est pas ravisé. Bénéficiant d’une banalisation idéologique, du redéploiement et de la liberté d’action de se “émirs repentis” et de l’aisance de recrutement auprès d’une jeunesse précocement désabusée, sa capacité de nuisance s’est accrue.

Le discours magique fait cas de fruit de la réconciliation, mais les autorités elles-mêmes ne s’y trompent pas : il suffit d’observer les manifestations d’extrême précaution autour des institutions et des déplacements officiels pour s’en convaincre. Il y a plutôt comme un attachement à un dogme qui se suffit à lui-même.

Et le Président, pour justifier le traitement du terrorisme, explique que “ces attentats aveugles n’interviennent pas pour dénoncer ou réfuter une politique ; ce ne sont que des actes criminels visant l’effusion du sang des innocents, sans motivation religieuse ou morale”. Il ne manquait plus des motivations “morales” au terrorisme ! Ces “attentats aveugles” — et donc sans signification politique — n’expriment donc pas une remise en cause du régime, même s’ils visent, pourtant, des casernes et des commissariats, et parfois le chef de l’État ou le Palais du gouvernement.

Comme responsables de ces actes, le Président désigne “des cercles de l’intérieur et de l’extérieur” qui veulent “porter atteinte à la stabilité de notre peuple qui a adopté une position immuable à l’égard de la tragédie nationale et de ses répercussions”. Le terrorisme, donc pas si “apolitique” que cela, utilise “des personnes égarées”, “inconscientes des dangers qui les guettent et qui se font tuer et tuent des innocents pour des objectifs qui ne sont pas les leurs”. Cette disjonction entre le commanditaire et l’exécutant est à la base de la “réconciliation”. Le “cercle” est responsable de son intention — politique — de “nuire aux intérêts du pays” ; l’“égaré” second est un criminel apolitique, immature et irresponsable.

Le “cerveau” n’est pas identifié ; l’exécutant, souvent exécuteur “égaré” et “inconscient”, est déresponsabilisé.
La seule question qui se pose alors est de savoir combien de temps le pays tiendra-t-il avec une hémorragie qui s’entretient par son remède, “une tragédie nationale” désincarnée, sans responsable, sans nom, sans fin.

Mustapha Hammouche

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