Etat de droit

Pour rien au monde, Bouteflika n’aurait dérogé à un principe devenu réflexe en chaque ouverture de l’année judiciaire, à savoir d’emprunter ce passage obligé qui est l’Etat de droit, inscrit en bonne place dans son discours. En faisant le lien entre ce principe intangible de tout Etat qui se respecte à protéger par l’instrument de la justice les droits de tous les citoyens, égaux devant la loi, d’une part, et de l’autre la lutte contre la grande criminalité, le premier magistrat du pays évacue cette approche formelle et laxiste qui étalerait la permissivité et le « protectionnisme » juridique à tous les domaines et tous les milieux, y compris ceux qui ne le méritent pas.

Par grande criminalité, il faut évidemment entendre par là non pas des bandes et des gangs aussi forts, puissants et audacieux soient-ils, mais ces réseaux tentaculaires qui bénéficient de protections pour non seulement accomplir leurs méfaits avec une déconcertante facilité, mais aussi de le faire avec l’assurance de l’impunité. Un Etat de droit est celui qui ne « protège pas ces protecteurs », le plus souvent infiltrés en son sein, mais qui les traque et les combat. Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que le droit et son plein exercice est le socle de l’Etat, celui qui le consolide et en assure la crédibilité interne et externe.

A contrario, l’absence de ce droit dans la vie de tous les jours, dans la relation du citoyen avec l’agent de l’ordre comme avec les rouages de la justice d’une façon générale, donc un Etat de non droit où sévit le déni des libertés fondamentales, à commencer par celle de dénoncer les injustices, réduit ce même Etat à un conglomérat d’individus vivant dans un territoire où règnent une seule loi, celle du plus fort et une seule pratique, l’abus de pouvoir. Les Algériens, notamment ceux qui ont payé dans leur chair et qui ont connu par le passé les affres de la répression en contrepartie de leur engagement pour les libertés démocratiques, se rendent aujourd’hui à l’évidence qu’un Etat de droit ne se décrète ni ne s’ouvre au plein exercice d’une justice impartiale à tous les échelons, par un coup de baguette magique.

Mais cette évidence, due au fait que quarante ans de dénis de droit s’érigent en système, autant dans les pratiques que dans les mentalités érigeant l’injustice en fait accompli ancré dans les mœurs, n’est cependant pas une fatalité. Les plus nobles des combats étant ceux que l’on livre contre soi-même, l’Etat algérien est en train de mener cette lutte pour l’érection de l’Etat de droit, ce qui exige patience et persévérance.

Contrairement aux grands chantiers matériels et physiques, comme l’immense ouvrage de l’autoroute est-ouest pour laquelle il suffit de déloger contre indemnités ceux qui sont sur le tracé, édifier un Etat de droit est une tâche qui ne dispose pas de telles facilités pour surmonter les obstacles. Pour la simple raison que ceux qui sont sur le tracé et qui gênent l’avancée de l’autoroute du droit, gagnent plus à rester en place, parce qu’à leurs yeux, les plus colossales indemnités ne compensent pas leur déplacement.

Nadjib Stambouli

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