Deux tons, une toile

Mercredi, fin d’après-midi. Nous sommes à Aïn Allah et ma connaissance approximative des lieux retardait l’arrivée à la toute nouvelle galerie d’art dont le nom et l’emplacement sont pourtant bien mis en évidence sur l’invitation.

A Alger, ne comptez pas trop sur les adresses “administratives” pour vous orienter. La résidence “El Bouroudj”, j’en ai même trouvé quelqu’un qui y travaille sans la connaître, sous cette appellation. Les repères archaïques sont nettement plus efficaces et il vaut mieux s’y préparer. Pourtant, mercredi en fin d’après-midi, nous n’étions pas dans ces endroits faits de bric et de broc où on se perd à coup sûr dans d’insaisissables dédales.

Ici, le quartier est chic et il y a même une galerie d’art, “Etincelle”, pour confirmer l’ambition moderne de ces espaces. Un portail noirâtre qui déeint sur des encogrures d’un rouge discret et rêveur. Poussez l’un des volets vitrés d’une porte qui semble avoir irrémédiablement renoncé à la vocation d’obstacle pour celle exclusive de l’accueil, et vous voilà dans les bras de la palette.

“Etincelle” vous avertit d’emblée de ses choix fondamentaux : très peu de place au luxe tapageur, seulement le confort des yeux dans les lumières apaisées du plafond et tranquille bienvenue des hommes. Karim Ould Ali et son épouse, propriétaires de cet espace-vous cèdent les lieux avec le sourire d’homme et de femme dont la générosité vous accompagne sans vous prendre au collet. Alors, une fois dans cette ambiance toujours un peu spéciale, vous faites le tour de cette exposition, vous vous arrêtez devant un tableau de Yahiaoui, de Hayoun ou de Larbi, spontanément délivré de l’embarras du néphyte ou de vos prétentions de fin connaisseur.

Ici il n’y a ni parvenus incultes qui squattent les vernissages pour se faire de factices réputations d’hommes du monde, ni sombres intellos passablement initiés élevant la voix pour qu’on entende mieux la hauteur de leur appréciation. Hayoun se fait humble dans la petite foule, Yahiaoui est introuvable et Larbi invite plus à un verre qu’à des explications savantes. Merci les artistes, merci Karim pour toute la palette des couleurs. Celles des toiles, du regard et du vin.

Jeudi en début de soirée. Celà ne m’arrive plus souvent, mais j’ai été m’engouffrer dans d’autres couleurs. Moins discrètes et certainement aussi généreuses. La soirée menaçait insidieusement de quelque ondée mémorable comme pour accompagner un rendez-vous toujours palpitant. Le stade du 5-Juillet est depuis longtemps orphelin de ses dieux, veilleurs nocturnes sur un bonheur populaire promis à l’éternité. Il restera toujours un Mouloudia-JSK pour raviver l’illusion et rassembler la foule au chevet d’une passion grabataire.

A la main un cierge à la flamme vacillante et autour du cou des emblèmes tiédis par le doute, la foule est encore là, bravant le froid légendaire de ces hauteurs et retournant dans la tête la folie en dinars consentie pour si peu de sensation. Ils sont encore là, le nombre érodé par toutes ces choses-là, mais l’amour têtu pour un sport au relent d’oxygène. Du vert, du rouge, du jaune et puis encore du vert. Une couleur et une histoire partagées dans de fabuleux parcours et une somptueuse rivalité. Deux écoles en perpétuel affrontement, un duel éternel entre le charme artistique de la spontanéité et la rigueur élevée au rang de beauté. MCA-JSK fera toujours rêver.

Qu’ils s’affrontent pour conquérir une couronne ou pour éviter le pire, qu’ils partagent la même ambition ou connaissent des fortunes diverses, jamais ils ne donneront l’image de deux destins croisés. Grand match ou petit spectacle, ce sera toujours une bataille de titans. Ce soir est un rendez-vous entre une équipe redescendue sur terre après une fiévreuse euphorie et une autre entamée par le doute.

La première veut effacer un revers inattendu et la deuxième démontrer qu’elle est capable de belles choses même en pleine zone de turbulence. La JSK a gagné un match, le rendez-vous n’a rien perdu de sa magie. Sur le chemin du retour, sous une pluie fine échappée à l’orage promis, il y avait autant à scruter dans les visages épanouis des vainqueurs que dans le désarroi des vaincus. Des couleurs, des traits et des perspectives pour une autre toile, d’une autre dimension.

Slimane Laouari

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