Sable : le pillage “délibéré”

Le ministre de l’Aménagement du territoire venait d’exposer les perspectives de son secteur au président de la République. Il y était question d’autoroutes et de barrages, équipements structurants qui devraient aider à une rationalisation territoriale du développement national. L’environnement y a eu droit à un observatoire. Le lendemain, le gouvernement demande à “son” Assemblée nationale d’autoriser la poursuite de l’extraction du sable des lits d’oued et de plage.

Le pouvoir semble prisonnier de sa culture “budgétaire” qui consiste à ériger des institutions et à engager des dépenses là où il est question d’énoncer une politique et, surtout, de la respecter.

Le gouvernement a déjà convenu que l’exploitation industrielle au profit du bâtiment constitue un crime écologique. Celui-ci hypothèque, en effet, le potentiel alluvial et hydrique, rend les crues d’oued plus dangereuses pour les bassins d’oued et les riverains et accélère l’érosion. Et c’est le gouvernement qui veut, une nouvelle fois, annuler l’effet d’une loi dont on a déjà reporté la mise en œuvre. Cette liberté que le pouvoir prend avec le devoir d’application de la législative est inhérente à la philosophie de la réconciliation nationale : le pouvoir peut piétiner la loi s’il estime que sa raison le commande. C’est à peine si, dans certains cas comme celui-ci, il s’oblige à la conformer préalablement à sa logique propre.

Il est notoire que le sable est matière à une activité mafieuse, intégrée dans une “économie de la nuit” où la clandestinité, le terrorisme, le passe-droit et la corruption se “réconcilient”. La partie transparente de ce commerce fondé sur le saccage de l’environnement est infime. Et pour qu’il soit fait appel à l’Assemblée nationale afin qu’elle reporte l’application d’une décision que le gouvernement lui avait soumise et qu’elle a votée, il fallait que le réseau maffieux soit, à ce point, politiquement puissant.

L’argument d’une période transitoire ne tient pas, en effet. Des extracteurs, souvent disposant de “concessions” illégales obtenues par passe-droit ou par corruption, des transporteurs clandestins et des dépositaires parallèles ne sont pas convertibles en producteurs légalistes de sable et de gravier industriels. On n’a pas transformé les “trabendos” en importateurs réguliers !
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas conçu un plan de conversion dans la production de sable dans l’intervalle du vote de la loi et de l’échéance de sa suspension ? Quelles mesures transitoires le gouvernement a-t-il prises pour garantir la période transitoire supplémentaire de deux ans qu’il demande ? Ou bien s’agit-il d’avoir “la paix” pour saccager encore jusqu’à… 2009 et, après moi le déluge ?

Comme le montrent les péripéties de la “circulaire Ouyahia”, les lois et règlements semblent évoluer, chez nous, non en fonction de la recherche de progrès, mais en fonction de la pression affairiste.

Le développement durable n’est plus un choix politique ; c’est un repère qui distingue la gestion saine et responsable du bricolage débonnaire et du pillage prédateur. Il n’y a plus lieu d’en délibérer. Sinon de la manière de se mettre au diapason de ce qui est déjà une valeur de civilisation.

Mustapha Hammouche

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